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seulement chez les libéraux italiens, mais même chez les démocrates et dans la grande majorité de la nation. J’ai entendu un ministre anticlérical réprouver, dans les termes les plus courtois, mais les plus catégoriques, le mauvais esprit qui anime nos sectaires. Des libres penseurs, comme le professeur Maffeo Pantaleoni, des Israélites comme Luigi Luzzatti, ont protesté devant moi contre leur intolérance. Quand donc nous déciderons-nous à renoncer à ce sectarisme borné, dont le pire inconvénient est de décourager les amitiés de nos voisins et de compromettre partout la vieille réputation libérale de la France ?

On comprend que, sous l’influence de ces griefs religieux, les catholiques italiens aient hésité d’abord à faire cause commune avec un gouvernement qu’ils considéraient comme leur pire ennemi. Ils ont craint aussi de travailler pour leur ennemi intérieur. La franc-maçonnerie italienne ayant été une des plus énergiques ouvrières de l’intervention, ils ne voulaient pas favoriser son jeu, se rendre en quelque sorte ses complices inconsciens. C’est pourquoi ils ont prêché la neutralité, mais sous cette réserve, toutefois, que, si le gouvernement estimait l’intervention nécessaire, ils ne lui marchanderaient pas leur concours. Il faut reconnaître qu’ils ont tenu loyalement leur parole. Mais, s’ils ont accepté la guerre avec une bonne volonté unanime, certains avec une belle ardeur patriotique, il est évident aussi qu’ils conservent encore, non pas précisément des arrière-pensées, mais des appréhensions, des préoccupations d’avenir. Comme les socialistes, ils ne dissimulent point leur souci de ménager l’électeur de demain. Sans doute, les populations des campagnes font preuve d’un magnifique esprit de sacrifice, mais n’est-il pas expédient de leur prouver qu’on a tout mis en œuvre pour leur épargner les privations, les deuils et les ruines de la guerre ? D’autre part, en tant que catholiques, ils se demandent s’il est bien conforme aux principes d’une religion qui s’affirme universelle, de diviser la catholicité en deux moitiés irréconciliables ? Ils s’inquiètent encore des problèmes sociaux, qui vont se poser au lendemain de la paix, et dont le plus important, à leurs yeux, est celui du désarmement. Pour l’obtenir, disent-ils, l’initiative des gouvernemens ne suffira pas : une pression intérieure très forte de l’opinion sera indispensable. Dans ces conditions, on aura besoin de l’appui