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non seulement des catholiques, mais aussi des socialistes allemands. N’est-il pas imprudent de se les aliéner d’une façon définitive et irrémédiable ?

Cet état d’esprit nous permet de saisir les raisons intimes de certaines réserves, et, pour tout dire, de certaine attitude défensive, qui, chez les catholiques italiens, déçoit et attriste un Français. Tout récemment, des personnes bien intentionnées conçurent le projet d’un rapprochement plus intime entre les catholiques des deux nations. Quoique ce projet d’union ne fût pas dirigé explicitement contre l’Allemagne, les circonstances actuelles lui donnaient forcément cette signification. On pouvait espérer néanmoins qu’il serait accueilli d’enthousiasme en Italie. En effet, des adhésions nombreuses ont déjà encouragé ce mouvement. Mais des gens bien placés pour sonder les dispositions des dirigeans m’assurent qu’il n’a aucune chance d’aboutir, et pour une raison bien simple, me disent-ils : « C’est qu’une ligue de ce genre est inutile. S’agit-il d’affirmer une même foi et de défendre d’identiques intérêts spirituels ? Mais cette ligue existe déjà dans le monde entier : c’est le catholicisme lui-même, qui n’est pas autre chose qu’une « Internationale sacrée. » S’agit-il d’affirmer, entre Italiens et Français, un même idéal politique et de défendre d’identiques intérêts matériels ? Mais cette alliance est réalisée, puisque l’Italie est l’alliée de la France. » Ce raisonnement géométrique ne manque pas d’élégance. Il n’y a qu’un malheur, c’est qu’à travers toutes ces subtilités transparait trop évidemment le désir de ménager l’Allemagne, — et cela, pense-t-on, pour le plus grand bien de cette « Internationale sacrée » qu’est le catholicisme. Dernièrement encore, les catholiques militans, après avoir soutenu les nationalistes dans les luttes électorales et pactisé ouvertement avec eux, jugèrent à propos de les désavouer et, si j’ose dire, de les débarquer avec fracas. Un article de l’Osservatore romano les anathématisa, sous prétexte qu’ils « ont substitué à la lutte des classes la lutte entre les peuples, montrant clairement qu’entre les aspirations du socialisme et celles du nationalisme, il n’y a, en substance, qu’une diversité de limites et de proportions dans les tendances, également antisociales. » Voilà qui est clair ! Cependant, ces tendances des nationalistes étaient connues de longue date. Ils n’ont jamais fait mystère de leurs doctrines. Au contraire, on