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Et qu’allaient faire ces « nationalistes, » qui portent tout aussi fièrement que les autres leur titre de citoyens anglais, mais dont la doctrine est qu’en dehors de leur territoire les Canadiens n’ont aucun devoir envers l’Empire ? L’un d’eux s’est chargé de la réponse. On vient de m’envoyer le texte d’un discours prononcé à Montréal par M. Olivar Asselin, et qui porte en titre : Pourquoi je m’enrôle. Je ne connaissais pas M. Asselin, n’ayant pas eu l’heureuse fortune de me rencontrer avec lui quand j’ai passé à Montréal ; je le tiens désormais pour un orateur de premier ordre. En lisant ce discours si magistralement ordonné, d’une éloquence si vigoureuse, si nerveuse, si passionnée, j’ai cru par instans réentendre Brunetière. Je ne m’arrête pas aux premières pages, quoique je les aie lues avec l’intérêt le plus vif. C’est un peu un examen de conscience et un drame de conscience. M. Asselin nous peint ses premières hésitations, les résistances qu’il a eu à vaincre chez les chefs de son parti et en lui-même, l’intime débat entre ses idées et ses instincts, entré ses plus légitimes rancunes et les exigences soudaines de son cœur : j’entrevois là des souffrances dans le détail desquelles je ne veux pas entrer, malgré ce qu’elles ont de poignant. Il me suffit d’en arriver à sa conclusion, et cette conclusion est qu’il s’enrôle.

Je m’enrôle, déclare-t-il, parce que « les institutions britanniques valent la peine qu’on se batte pour elles, » parce que je chéris et vénère « les principes de liberté collective et individuelle qui sont à la base de la Constitution anglaise, » parce que moi, Canadien-Français, si j’étais persécuté dans ma province, c’est vers l’Angleterre que je me tournerais pour demander justice. — Je m’enrôle, parce que la Belgique ensanglantée agonise, et que devant certains crimes aucun homme n’a le droit de rester impassible. — Je m’enrôle, « parce que le monde ne peut pas se passer de la France, » — et ici il faut citer textuellement ses paroles :

« D’autres nations, comme l’Angleterre, peuvent vanter aussi justement leur attachement à la liberté. D’autres, comme l’Italie, peuvent trouver dans un passé magnifique et dans une renaissance politique sans pareille, le motif des plus hautes ambitions, des plus enthousiastes espérances. D’autres, par les réserves de vie neuve et fraîche que nous savons qu’elles nous cèlent, provoquent en nous une attention sympathique, mêlée