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kilomètres et sous une pluie battante, pour nous apporter un grand plat de légumes qu’elle avait fait cuire pour nous. J’avais envie de lui sauter au cou. Mais j’ai pensé à mes nombreux flirts d’outre-mer, et je me suis retenu.


Une dernière citation. Elle a trait, celle-là, aux infirmières canadiennes, à ces nurses si dévouées et si réputées qu’après l’accident de cheval qui faillit lui coûter la vie, le roi d’Angleterre tint à être soigné par une d’elles. Elles ont suivi les soldats sur le front, les unes en blouse blanche et bonnet blanc, les autres en tenue khaki, et ce passage d’une lettre reproduite dans le Daily Mail et datée des Dardanelles atteste les services qu’elles leur ont rendus. Je traduis :


Les braves petites Canadiennes qui ont traversé les mors avec leur excellent hôpital de campagne pour venir nous soigner, sont devenues une part, un élément de notre vie. filles sont actives, gaies, énergiques ; nous ne pourrions nous passer d’elles. Il nous est doux de sentir qu’elles nous appartiennent.


V

Depuis, ils ont attendu.

Ils savaient qu’un jour viendrait où ils s’élanceraient hors de leurs tranchées et bousculeraient les « Huns. » Ils ont trompé l’ennui des longues veilles en échangeant avec eux des coups de fusil. Ce sont en général d’excellens tireurs ; ils avaient chassé l’orignal avant de faire la chasse aux « Huns. » Chaque fois que le coup porte, ils font une petite marque au bois de leur carabine Ross, et ils parlent entre eux d’un certain Ballendine dont la carabine a 36 de ces marques. Ils ont attendu, calmes, confians.en chantonnant Tipperary ou Toronto. Ils savaient que, non loin de Folkestone, au camp de Schorncliffe, de puissans renforts venus du Canada s’apprêtaient à les rejoindre.

Il ne peut nous être indifférent d’apprendre que dans les nouvelles formations figurent des régimens exclusivement composés de Canadiens-Français. Au début, quand il s’était agi de constituer le contingent de 1914, on avait incorporé les recrues en hâte et pêle-mêle, sans s’inquiéter de leur origine première, et comme beaucoup de Canadiens-Français n’ont qu’une très médiocre pratique de la langue anglaise, ils s’étaient parfois trouvés fort en peine au milieu de camarades et de chefs qui