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Mansuétude. » Une sorte de Congrès de La Haye est dans le champ de son regard :


Les causes des combats deviendront des problèmes
Par les sages traités en d’austères débats
Avant d’appartenir à la main des soldats…


Les sirènes du pacifisme chantent par sa voix et rarement la séduction de leurs promesses se fit plus pressante que dans ses discours.

À ce noble esprit chimérique la réplique est donnée parle Guerrier, dont le poêle a fait l’interprète de sa pensée profonde. C’est lui qui justifiera, sinon la guerre, du moins la tâche des soldats.

On a beaucoup reparlé dans ces derniers temps d’une « mystique de la guerre, » d’une sorte de beauté divine que l’on apercevrait derrière ses horreurs. A voir tant d’héroïsme qui, sans elle, ne se fût sans doute jamais produit au jour, plus d’un s’est senti enclin à glorifier cette chose redoutable qui soudain brise l’égoïsme de l’individu et fait jaillir la source du sacrifice.

Le guerrier des Dialogues n’est pas sans avoir sa part de cet enthousiasme. Certes, il préfère la guerre à l’anarchie d’une société corrompue par une longue mollesse où l’abnégation aurait cessé d’être. Il admire au contraire cette union des corps et des âmes dont le plus saisissant exemple, le chef-d’œuvre, est une armée disciplinée. Il n’ignore pas non plus ni ne cache comme une honte cette exaltation spéciale qui s’empare du soldat dans les mêlées. Il avoue l’enivrement du sang :


Il est vrai qu’en buvant l’âpre vin du danger,
Mon être fut saisi d’une ivresse farouche
Dont j’ai gardé le goût surhumain dans ma bouche,
Et dans mon cœur l’orgueil, la surprise et l’effroi,
Comme si quelque dieu, se mélangeant à moi,
M’avait rendu plus fort, — et plus cruel peut-être.


Mais s’il semble rejoindre ici les apologistes allemands de la guerre pour la guerre, ceux qui y voient un sommet de la nature humaine, ce n’est que pour un instant. La guerre qui est dans sa pensée, la seule qu’il justifie, est la guerre défensive. Il n’est question pour lui que des batailles destinées à sauver une