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REVUES ÉTRANGÈRES

UN PRISONNIER DE GUERRE ANGLAIS
AU CAMP DE WITTENBERG


The Story of a Prisoner of War, par Arthur Green, 1 vol. in-16, Londres, librairie Chatto et Windus, 1916.


Ah ! il faudra bander ses nerfs et cuirasser son cœur pour achever quelques-unes de ces pages ! Jamais plus âpre réalisme n’a travaillé sur des sujets plus repoussans. Ressuscitez les pires visions de Dante, rappelez-vous, si vous avez pratiqué cette littérature, le Malleus maleficorum, les procès-verbaux de questions extraordinaires rapportés par Llorente : vous serez encore mal préparés à la lecture de certains chapitres.


C’est ainsi que jadis le vicomte Eugène-Melchior de Vogué nous disposait à prendre contact avec les Souvenirs de la Maison des Morts ; et ses paroles me sont irrésistiblement revenues en mémoire, — comme aussi celles de Tourguenef, comparant à une « évocation directe de l’enfer » tel tableau de l’admirable livre de Dostoïevsky, — lorsque, l’autre jour, un hasard m’a fait découvrir l’humble brochure consacrée par un soldat anglais, M. Arthur Green, au récit de ses aventures de prisonnier de guerre dans les camps allemands de Darmstadt et de Wittenberg. Pour la première fois depuis le temps lointain de l’inoubliable apparition, à notre horizon littéraire, des Souvenirs de la Maison des Morts, des pages imprimées me donnaient de nouveau l’illusion d’assister vraiment à des scènes de l’enfer : sans compter que, cette fois encore, l’horreur tragique des images suscitées devant moi se trouvait renforcée par l’accent étrangement « serein et résigné » d’un témoin déjà tout prêt à pardonner, — de la même façon que naguère Dostoïevsky, sinon précisément pour les mêmes motifs, — les atroces tortures de corps et d’esprit qu’il avait