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française sur la Meuse, quelle est incapable d’entreprendre une offensive par ses propres moyens, nous avons empêché l’offensive du printemps, » un Français, le premier venu, d’information moyenne, était porté à hausser les épaules : allons donc, ils n’en croyaient rien ! Mais ils le croyaient; ils croyaient la France vide de sang. Répétons que, pour le coup, c’est plus qu’une erreur de psychologie, et qu’il ne s’agit pas de finesse. C’est, militairement, une faute de métier, que le grand Frédéric eût corrigée de sa canne, et que son ombre ne pardonnera pas à son arrière-petit-neveu.

En présence de l’événement, de ces trois événemens enfin réglés sur le même plan, l’offensive russe, la contre-offensive italienne, l’offensive anglo-française, l’Allemagne se montre nerveuse autant que s’y prête son tempérament lymphatique, irrité cependant par une nourriture rationnée d’un peu court. Les Allemands font les rassurés: l’offensive russe est arrêtée, les prétentions italiennes sont risibles, l’offensive franco-anglaise s’apaise sans avoir abouti ; ou même les fanfarons : on va la voir de près, cette fameuse armée britannique ; c’est le vieux Dieu allemand, préposé particulièrement à la punition de l’Angleterre, qui livre au peuple élu ces Amalécites. Tant mieux, le bras allemand va s’abattre; le fléau allemand va frapper; et toute la série des métaphores belliqueusement horrifiques. Mais il faudrait être aussi piètre psychologue que l’est un Allemand même, pour ne pas deviner ce qui se cache, et qui se cache mal, là-dessous.

Les marques d’agacement, comme les symptômes d’affaissement, se multiplient. La note de l’Empire allemand à la Confédération helvétique en est un. Ce n’est peut-être pas tout à fait un ultimatum, quoiqu’un délai y fût fixé pour la réponse; mais c’était au moins ce que la langue juridique qualifie de « menace sous condition » et le langage familier, de « chantage. » Si, d’ici à tant de jours, la Suisse ne s’était pas arrangée pour fournir à l’Allemagne telles et telles marchandises, l’Allemagne cesserait, par représailles, de lui fournir du fer et du charbon. Or, il y a, entre les deux pays, cette différence : c’est son fer et c’est son charbon que l’Allemagne envoie en Suisse, tandis que les marchandises qu’elle lui demande si impérieusement d’envoyer en Allemagne, ce sont les nôtres, celles que nous lui vendons et que nous lui portons, celles que nous lui faisons ou lui laissons passer. La note allemande était donc une tentative de chantage sur les Alliés, par l’intermédiaire de la Confédération, justement et dignement récalcitrante. On a voulu qu’elle fût à triple détente, et que l’Allemagne se proposât par surcroît ou d’abord pour objet de brouiller les