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Dormez ; par-delà la frontière,
Vous dormirez bientôt chez nous ;
Notre vaillance reste entière,
Et sur vos tombes, à genoux,
Nous viendrons déposer nos armes,
Vengés de vos anciens malheurs ;
Les arrosant avec nos larmes,
Nous y ferons fleurir nos fleurs.


« Jamais, ma petite maman, je ne dirai plus ces vers, car jamais plus je ne serai à la veille d’un jour de départ pour là-bas, au milieu de mille jeunes gens tremblant de fièvre, d’orgueil et de haine. J’ai sans doute trouvé dans mon émoi personnel l’accent qu’il fallait avoir, car j’ai fini mes vers au milieu d’un frisson général. Ah ! pourquoi le clairon ne les a-t-il pas soulignés de l’Alerte ? Nous en aurions tous porté les échos sur le Rhin… »

C’est dans cette atmosphère d’enthousiasme que les jeunes officiers reçurent le titre de promotion de la Croix du drapeau, et c’est à ce moment que l’un des Montmirail, Gaston Voizard, s’écria :

— Jurons que pour aller au feu nous serons en grande tenue, gants blancs et casoar au chapeau.

— Nous le jurons ! répondirent les cinq cents Montmirail.

—Nous le jurons ! crièrent à leur tour les cinq cents Croix du drapeau.

Terrible scène, trop française, toute pleine de l’innocence et de la bonne volonté admirable de ces jeunes gens, et toute pleine aussi de conséquences désastreuses.

Ils ont tenu leur vœu téméraire. Il n’est pas permis que je vous dise la proportion des morts. Les enfans charmans que je viens de vous citer ne sont plus. De quelle manière sont-ils tombés ?

Tous n’eurent pas leurs témoins, mais tous tombèrent à la façon du lieutenant de Fayolle.

Le 22 août, Alain de Fayolle, de la promotion Croix du drapeau, est à Charleroi à la tête d’une section. Ses hommes hésitent. Le jeune sous-lieutenant a mis ses gants blancs. Mais il s’aperçoit qu’il a oublié son casoar. Il tire de sa sacoche le plumet blanc et rouge et il le pique à son shako.