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de marche, j’arrivais aux Hautes-Bruyères ; tirez une ligne du fort de Bicêtre à l’Hay ; au milieu de la distance, sur une hauteur, vous aurez l’emplacement de cette redoute activement achevée et qui canonne à son aise l’Hay, Chevilly et les hauteurs de Choisy ; les pièces de marine qu’on y installait portent jusqu’à Sceaux ; c’est un très bel ouvrage. Les revêtemens en terre offrent peu de prise à l’artillerie ennemie ; les soldats sont installés convenablement dans l’arrière-partie de la redoute où les obus seuls peuvent les atteindre. Du haut des remparts, l’intérêt de ces luttes est ce qu’on peut imaginer de plus saisissant. A deux mille mètres dans la propriété ombragée d’un beau parc, pendant que nous regardions avec des longues-vues, le fort de Montrouge a envoyé au beau milieu d’un groupe deux obus qui ont troublé son repos. La justesse du tir des marins est vraiment surprenante. Ils tombent d’emblée là où ils veulent. »

Un autre jour de ce même mois d’octobre, nous le retrouverons au Nord de Paris.

« Jeudi matin, comme je me préparais à sortir, mon ami Billet, lieutenant de mobile caserne à Saint-Denis, est venu me voir. Je lui ai proposé de le reconduire jusqu’à son cantonnement et, malgré quelques difficultés, je suis arrivé à Saint-Denis. A dix heures, déjeuner avec les officiers ; à midi, départ avec cinq à six officiers pour visiter les derniers avant-postes. Nous avons commencé par Epinay, où des soldats de la ligne se sont mis en tête de descendre la sentinelle prussienne. Le brave Badois tournait autour d’un gros arbre pour échapper aux balles françaises ; nous sommes partis avant qu’on eût réussi.

« D’Epinay, nous avons gagné Villetaneuse où les sentinelles ennemies occupent l’extrémité du village, tandis que les Français occupent l’autre extrémité. Ces messieurs voulaient tirer pour leur compte ; je les ai accompagnés jusqu’à la dernière maison ; nous marchions isolés le long des murs, pour ne pas offrir trop de prise ; arrivés à la dernière maison, nous avons trouvé un incendie ; ils avaient brûlé la maison en l’abandonnant. Vous comprenez bien qu’il m’a fallu coucher à Saint-Denis, d’où je suis revenu le lendemain vendredi. »

Ces excursions hardies renouvelaient en lui la confiance. Il prenait plaisir à la communiquer au loin, à la jeter, comme il disait « sur l’aile du vent. »