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français. On répartit les hommes par groupes de 20 environ ; et des leçons furent organisées tous les jours de huit heures et demie à onze heures et demie, et de six à neuf. L’amicale de Zossen tient des séances toutes les semaines, et les fonctions de président ne semblent pas être une sinécure : perpétuelle réfection d’un emploi du temps que les départs de maîtres et d’élèves pour d’autres camps troublent sans cesse ; enfin, correspondance avec la France. Car en France on sut ce qui se passait. Des sociétés d’aide intellectuelle se formèrent pour ces prisonniers, à l’entretien matériel desquels on s’était d’abord contenté de songer, et qui nous rappelaient que, même mal nourri, le corps n’était pas tout pour eux. L’une d’elles vise en particulier les étudians. Le ministère, les éditeurs envoyèrent les fournitures scolaires réclamées, et des livres. On fut quelque peu étonné de la nature des livres demandés ; et on constata, avec émotion, que quelques-uns là-bas poursuivaient des études difficiles, entreprenaient de véritables travaux, et on salua de loin leur force d’âme. Le délégué de la mission catholique de Fribourg, après avoir visité le camp d’Altdamm, écrivit à la femme d’un inspecteur primaire pour la féliciter du rôle qu’avait joué son mari auprès de ses compagnons de captivité, et qu’il résumait en l’appelant le « chef intellectuel » du camp. Beaucoup d’universitaires ont mérité le même jugement et la même appellation. Ils le doivent à ce qu’ils ont représenté, dans les souffrances physiques, la détresse morale et l’ennui pesant, le travail sauveur.


LES UNIVERSITÉS ET LEUR « POLITIQUE ÉTRANGÈRE »

Nous avons moins parlé de l’enseignement supérieur que des autres ordres d’enseignement. En un sens, il a été le plus atteint par la guerre. De plus de 42 000 en janvier 1914, le nombre des étudians de nos universités était tombé, en décembre de la même année, aux environs de 10 000, et c’est à peine s’il se maintient autour de ce chiffre. Encore les étudiantes et les étrangers représentent-ils presque la moitié de ce total. Il y a donc 32 000 étudians en moins. Ceux-là se battent. Les cours ont lieu cependant. La composition de l’auditoire de certains cours est impressionnante : des mutilés et de jeunes veuves, de vraies mutilées elles aussi, qui viennent chercher