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des grosses difficultés techniques qui ont été vaincues : l’adaptation de l’industrie de paix à l’industrie de guerre.

Pour mesurer l’effort accompli dans cet ordre d’idées, il faut mentionner :

1° Au point de vue purement matériel, les acquisitions d’outillage indispensable aux Etats-Unis, l’inventaire de celui existant en Grande-Bretagne et son transfert là où son utilisation pouvait être le plus efficace. Le gouvernement, ayant dû réaliser une improvisation beaucoup plus complète encore qu’en France, a, par certains côtés, fait litière de l’organisation industrielle préexistante et a procédé, dans l’intérêt de la production qu’il voulait intensive, au groupement rationnel de l’outillage.

2° Au point de vue du personnel dirigeant, il a fallu constituer, aux mains de l’Etat, un état-major technique, chargé de donner l’impulsion, d’assurer la direction et d’exercer la surveillance.

Ces transformations profondes, exorbitantes, de la vie industrielle, ont exigé que des pouvoirs spéciaux fussent obtenus par le gouvernement et, comme il est facile de s’en douter, ce ne fut pas l’œuvre d’un jour, puisque la première loi est en date du mois de juillet 1915. L’action législative s’est trouvée nécessaire eu égard aux circonstances propres du Royaume-Uni.

D’un côté l’Angleterre a été, comme nous l’avons dit, fort longue à comprendre la guerre. Aussi bien dans les milieux intellectuels et patronaux que chez les ouvriers, l’importance vitale de la guerre n’a pas apparu tout de suite. L’attitude même que le gouvernement crut devoir adopter n’était pas pour la faire comprendre au pays dans son ensemble. On se rappelle que pendant plus de six mois la devise britannique fut : « Les affaires continuent comme à l’ordinaire. » Au sein du Cabinet lui-même, l’accord était loin d’être fait sur les modalités à employer pour s’assurer la victoire. A la veille du remaniement ministériel, alors que M. Lloyd George dénonçait la pénurie de munitions et lui imputait à juste titre d’avoir compromis le brillant succès militaire de Neuve-Cape lie, le premier ministre et lord Kitchener lui-même soutenaient la thèse inverse, soit au Parlement, soit dans les discours publics.

D’autre part, les industriels, dont le concours n’avait pas été accepté lorsqu’ils l’avaient offert au début des hostilités, ne se montraient pas aussi disposés qu’il le fallait à abandonner leurs fabrications du temps de paix pour se consacrer à la