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production de matériel de guerre. Quant aux ouvriers, ils demeuraient d’autant plus attachés à leurs habitudes et à leurs prérogatives professionnelles qu’ils voyaient le patronat profiter largement de la guerre, alors qu’ils n’obtenaient pas une hausse de salaire suffisante à leur gré.

Le gouvernement était désarmé. En l’absence de toute conscription, il ne pouvait exercer aucune coercition ni sur les patrons, ni sur les ouvriers. En mars 1915, sous forme d’un amendement à la loi de défense du royaume, il fit voter par le Parlement une loi lui permettant de réquisitionner les usines. Mais cette mesure, dépourvue de sanctions efficaces, ne donna guère de résultats. Aussi mal vue par les patrons que par les ouvriers, elle n’empêcha pas l’agitation ouvrière, qui atteignit son point culminant au mois de juin 1915 avec la grève des mines du pays de Galles.

A la manière forte, inapplicable dans l’Angleterre du volontariat, le gouvernement substitua, on l’a vu, la conciliation et la persuasion. Sa loi de juillet 1915, dite loi sur les munitions, consacra les accords librement consentis par les patrons et les ouvriers.

Les caractéristiques principales sont les suivantes :

1° Le gouvernement a le droit de réquisitionner les usines fabriquant les munitions. Le bénéfice supplémentaire des patrons est fixé à 20 pour 100 en sus du bénéfice moyen des trois dernières années ; le solde du profit supplémentaire, soit 80 pour 100, revient à l’État.

2° Par contre, les ouvriers acceptent la suspension des règlemens syndicaux limitant la production, la prohibition des grèves et lock-outs, l’obligation d’engager le nombre de volontaires ouvriers, de métier ou non, nécessaire à la production, et enfin de soumettre à des tribunaux d’arbitrage tous les différends qu’ils pourraient avoir avec leurs patrons.

Cette mesure prise, après qu’un an eut été perdu, a donné des résultats excellens. En dehors des usines nouvelles construites directement par l’Etat et dont le nombre s’élevait à 26 au mois de février 1916, le nombre des établissemens contrôlés ou, si l’on préfère, réquisitionnés, passe de 345 en juillet 1915 à 3 500 en mai 1916. La population ouvrière employée dans ces usines (les femmes représentant 50 pour 100 des travailleurs) montait dans le même temps de 100 000 à