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création d’avions étroitement spécialisés. Mais ce que l’expérience a démontré, après maints tâtonnemens inutiles, chez nous comme chez nos ennemis, on aurait pu le prévoir a priori ainsi que nous allons voir !

Depuis longtemps, on a constaté qu’un cheval de trait ne peut et ne doit pas posséder la même structure et les mêmes qualités qu’un cheval de course ou un cheval de guerre, et les éleveurs ont été conduits ainsi à créer des races chevalines extrêmement diverses, et d’autant plus dissemblables qu’elles assuraient mieux la fonction spéciale à laquelle chacune était destinée. Pareillement et pour prendre un autre exemple, on a depuis longtemps dans la marine renoncé au vaisseau de guerre unique et bon à tout, et différencié profondément le cuirassé porteur d’une grosse artillerie et puissamment blindé, du croiseur moins fort et moins protégé, mais plus rapide, et du vaisseau éclaireur fluet et léger. Dans l’action féconde et efficace, qu’il s’agisse des hommes ou des engins, celui qui est bon à tout n’est pas bon à grand’chose… sauf peut-être, dit-on, dans la politique qui jouit à cet égard d’une grâce toute spéciale.

Ce que les analogies précédentes nous ont déjà laissé entendre : la nécessité d’avoir des types d’avions distincts et séparément adaptes aux fonctions diverses de l’oiseau de guerre, un examen un peu plus attentif va nous le démontrer d’irréfutable manière.

Considérons, par exemple, la question des moteurs d’avion. On sait que la force nécessaire à la rotation de l’hélice est produite par un moteur à explosion. Une certaine quantité d’essence, mélangée à de l’air en proportion convenable y est allumée, grâce à une étincelle électrique, à l’intérieur de plusieurs cylindres où elle déplace alternativement un piston dont le mouvement de va-et-vient, grâce à des transmissions en bielle, fait tourner l’hélice. Or la lutte a été longtemps ouverte en aviation entre deux types de moteurs : les moteurs fixes et les moteurs rotatifs, ainsi nommés respectivement, les premiers, parce que leurs cylindres sont fixes, les seconds parce qu6 les cylindres disposés en étoile autour de l’hélice tournent en même temps que celle-ci. Les moteurs rotatifs sont refroidis par l’air, grâce à leur rotation même dans celui-ci. Les moteurs fixes, au contraire, ont besoin pour ne point trop chauffer d’être refroidis par des radiateurs à ailettes où passe une circulation d’eau. L’augmentation de poids qui en résulte, pour ceux-ci, fait que leur poids est, par rapport à leur puissance, plus grand que dans les moteurs rotatifs.

Ainsi, pour les très puissans moteurs actuellement construits, le