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d’adroits tours de phrase pour se confondre avec Windthorst, pour dire « nous » en parlant de lui. Espérant bénéficier de l’auréole de cet ancêtre et de son renom d’impeccabilité politique, ils le proposaient et se proposaient eux-mêmes comme un seul et même exemple. Il y eut un de leurs congrès dans lequel certains Français, venus en observateurs, furent conviés à s’expliquer, en séance privée, sur la situation de l’Eglise en France ; et l’on eut une telle façon de les plaindre, et de les sermonner, et de leur infliger, pesamment, un cours de politique religieuse, et de pleurer sur eux, et peut-être ensuite de sourire, que ce genre de rendez-vous perdit pour eux tout attrait. L’Eglise de France, au lendemain de la séparation, dépensait d’admirables efforts pour adapter son apostolat aux besoins populaires et faire surgir du sol des églises nouvelles : on en parlait peu, — ou point du tout, — dans la presse catholique d’outre-Rhin, et je ne sais guère qu’un publiciste de langue allemande qui ait à cet égard rendu pleine justice à la France : c’était un prêtre de la Suisse alémanique, M. l’abbé Nunlist, curé de Berne. Mais parmi les notabilités officielles du catholicisme allemand, il était de mode d’opposer ce qu’elles appelaient leurs « victoires » à ce qu’elles appelaient nos « défaites : » on se réjouissait de ne pas ressembler aux catholiques de France, on en remerciait Dieu, et l’on nous criait à nous, pauvres publicains : « Pourquoi la France n’a-t-elle pas un Centre ? »

La question nous paraissait tendancieuse, et d’ailleurs mal posée ; et dans l’avant-propos du livre où nous rendions hommage à l’ancien Centre, nous sentions le devoir de mettre en garde les catholiques de France « contre toute velléité d’imitation factice et d’adaptation artificielle[1]. » Mais les conseils allemands se poursuivaient, récidivaient : « Vous fonderiez un Centre, reprenait-on, si vous aviez un Windthorst. » On aimait mieux nous faire la leçon, au nom de feu Windthorst, que de nous trop laisser voir que sur les bancs mêmes du Centre on était en passe d’oublier ses leçons.

On eût voulu que le Centre, depuis ses lointains débuts jusqu’à ses plus récentes démarches, nous apparût comme un bloc homogène, s’imposant à notre hommage. Cela, nous ne pouvions l’admettre ; cette simplification eût été une

  1. Bismarck et l’Église : le Culturkampf, I, p. XXXIII (Paris, 1911).