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d’être désormais un fragment de la force d’Etat, — de ce qu’en Allemagne on estime le plus. Le mot de Windthorst : « Celui qui entre dans le Centre doit renoncer aux avantages de ce monde, » était périmé. Windthorst avait des successeurs qui délestaient ces mortifications héroïques, et qui, — tel M. Pierre Spahn, — préféraient s’acheminer vers la caste nobiliaire, vers le titre d’ « Excellence. »

Parmi ces hommes nouveaux, satisfaits d’ailleurs à bon marché, deux personnalités surgirent, pour endormir dans les foules croyantes les susceptibilités traditionnelles, et pour abolir en elles, tout doucement, l’état d’esprit qu’avaient créé les heures de disgrâce. L’un de ces éducateurs était M. le professeur Martin Spahn ; et l’autre, M. le député Mathias Erzberger. Ils soulevèrent d’abord, parmi leurs coreligionnaires, des réserves gênées ; mais, insensiblement, l’éclat de leur rôle en fit accepter l’imprévu.

L’école d’historiens catholiques ou catholicisans, issue du mouvement romantique, tenait en médiocre estime la maison des Hohenzollern, qui devait a un vol de biens d’Église les origines de sa fortune. Avec M. Martin Spahn, les jugemens changèrent : prestement, les Hohenzollern furent amnistiés pour ce péché, comme pour beaucoup d’autres. Il semblait qu’en vue d’installer parmi les catholiques le culte de la famille impériale, il voulut les accoutumer à faire abstraction de leurs croyances et de leurs susceptibilités de catholiques lorsqu’ils jugeaient des choses allemandes : une cloison étanche s’éleva entre leurs convictions confessionnelles et leurs aspirations d’Allemands, et leur enthousiasme pour tous les ouvriers de la grandeur germanique ne comporta plus aucunes réticences. De même qu’avant la guerre de 1870 l’historien Sybel, émissaire de la science prussienne à l’Université de Munich, avait officiellement implanté dans les intelligences bavaroises les conceptions berlinoises de l’histoire allemande, de même depuis quinze ans M. Martin Spahn, catholique s’adressant à des catholiques, s’est efforcé d’abolir en eux les habitudes de pensée qu’un Janssen ou qu’un Onno Knopp leur avait suggérées ; il les a dressés à l’admiration de toute l’Allemagne moderne, sans en exclure tout ce qui, dans cette Allemagne, est le fruit, proche ou lointain, de la Réforme du XVIe siècle. Le Grand Electeur, Bismarck : voilà ses hommes. C’est dans une