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jalousie de la province contre la capitale ; c’est menacer celle-ci dans son importance morale et dans sa prospérité. Paris sans souverain n’est plus Paris. Il le sentira et le mécontentement qui en sera la conséquence deviendra un gros embarras. Versailles à titre transitoire, en motivant cette résolution sur l’occupation de l’ennemi, est un expédient acceptable. Fontainebleau serait pris pour une déclaration d’hostilité. D’ailleurs, il est loin d’être libre : placé sur le passage de la retraite, il peut être longtemps occupé. Je vous fatigue par mes répétitions et vous en demande pardon ; mais j’ai la conscience de remplir un devoir. Montrez de la confiance à cette population, et vous la conquerrez sans peine. Ne l’avons-nous pas prouvé ? N’a-t-elle pas été contenue pendant le siège ? Si l’Assemblée venait à elle, sans crainte, elle recueillerait les meilleurs résultats de sa décision. C’est là ce que vous diront tous ceux qui connaissent Paris et qui, ainsi que moi, considèrent qu’y maintenir l’ordre est une question de salut…

Pour mes négociateurs, il y a urgence. Les Prussiens se conduisent comme des Vandales. Sans respect du traité, ils mettent les pays occupés au pillage. Je suis accablé de réclamations et je demeure impuissant à leur opposer un obstacle sérieux. Je recommande partout des enquêtes et des procès-verbaux. Mais notre lenteur à ouvrir les négociations les encourage. Ils prennent nos délibérations pour de l’indifférence. Je ne puis vous dire ce que je souffre à cet égard. Que vous me rendriez service en me permettant de remettre en de plus dignes mains ce fardeau qui m’accable ! Donnez-moi donc une solution. Vous me dites que l’Assemblée ne veut pas vous quitter. Cela est fort bien, et je comprends son attachement pour vous. Mais sans vous je ne puis remplir mon devoir, et chaque jour est pour moi un nouveau remords…

Surtout revenez. Déterminez l’Assemblée à se former en commission, à prendre trois jours de vacances… Dimanche, elle pourra siéger à Versailles, si elle n’aime mieux jeudi à Paris…

Je n’ai pas le temps de me relire : le courrier attend et j’ai plusieurs personnes à recevoir. Mille tendres amitiés pour vous : ne vous fatiguez pas trop…

JULES FAVRE.