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II semblerait que leur catholicisme même, que la santé intellectuelle qui en devrait être le fruit, dussent les élever au-dessus de ces sophismes artificieux, et leur faire abhorrer cette étrange sanction politique de l’identité des contraires. Que leurs intelligences se soient laissé contaminer, je le comprends et l’excuse, mais leurs consciences elles-mêmes, au lieu de demeurer des consciences catholiques, fidèles à la notion du bien et du mal, du juste et de l’injuste, du oui et du non, sont devenues des consciences « allemandes ; » et c’est là, pour des consciences, une triste épithète, depuis le jour où l’Allemagne s’est fait connaître comme systématiquement dédaigneuse des « chiffons de papier. »

M. le professeur Sauer, de Fribourg-en-Brisgau, ne parle point en prêtre assurément, ni en archéologue, mais en interprète de la conscience allemande, quand il s’essaie à justifier par des motifs militaires les ruines de nos cathédrales. « La guerre, écrit-il, ne connaît, dans l’entrée en scène et dans l’action des forces dont elle dispose, aucunes barrières et aucun autre intérêt que les siens[1]. » Nous voilà loin du droit des gens chrétien, édifié par les papes du Moyen Age, — par des papes contre lesquels d’ailleurs s’insurgea constamment l’esprit d’absolutisme des empereurs de Germanie.

Et c’est au nom de la conscience allemande, mais non point, certes, de la conscience catholique, que la Revue générale de Munich fait l’apologie d’une guerre sous-marine ne s’imposant aucunes réserves (rücksichtslos)[2]. Mais la conscience allemande a des heures de subtilité : elle s’habille, parfois, d’une phraséologie catholique ; elle fouille alors la théologie, le droit canon, les livres ascétiques, pour faire le procès d’un cardinal. M. Julius Bachem, M. Contzen et leurs confrères d’Augsbourg appuient formellement de leur « blâme théologique, » d’un blâme « qu’on ne saurait formuler assez énergiquement, » les menaces et les mesures du gouverneur Bissing contre le cardinal Mercier. A les entendre, le primat de Belgique « fait de sa dignité ecclésiastique un abus inqualifiable, et des dommages peuvent en résulter pour les intérêts de la religion[3], » et M. Schwering se

  1. Pfeilschifter, Deutsche Kultur, p 182.
  2. Allgemeine Rundschau, 25 mars 1916, p. 203. De même, la Gazette populaire de Cologne a appuyé de toutes ses forces le programme du grand amiral Tirpitz, et approuve l’assassinat juridique du capitaine Fryatt.
  3. Voyez Lebreton, Etudes, 20 mai 1916, pp. 443-447.