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l’évêque de Meaux : le dernier livre de l’Écriture auquel il se réfère pour l’instruction des soldats en guerre est le livre des Macchabées. L’Allemand catholique doit-il donc se battre comme si le Christ n’était pas venu ?


VIII

La Réforme du XVIe siècle voulut revenir au pur Évangile et directement prendre contact avec le Christ ; au terme de cet élan qui remontait quinze siècles d’histoire, il se trouva que certaines âmes avaient fait régression au-delà de saint Paul, au-delà même du Christ, et qu’elles s’étaient enracinées dans un certain esprit d’exclusivisme religieux, qui les amenait, comme autrefois le peuple d’Israël, à se distinguer de tout le reste des hommes, et à s’opposer à eux. L’Ancien Testament en main, puritains de Cromwell et Genevois de Calvin se considéraient comme les élus spéciaux de Dieu, comme les privilégiés d’une exceptionnelle vocation, comme formant des groupemens de choix, étrangers et supérieurs à l’ensemble de leurs frères humains : l’humanité, pour eux, apparaissait comme une sorte de gentilité ; et la façon qu’ils avaient de lire la Bible abolissait en eux l’intelligence de l’Évangile et de saint Paul. L’Allemagne prussienne devint à son tour victime de ces mauvaises méthodes de lecture : ses pasteurs lui ont redit à satiété qu’elle était le peuple élu ; l’évangélisme allemand a laissé prévaloir l’esprit d’exclusivisme de l’ancienne Alliance sur l’esprit de douceur et de paix dont l’Évangile demeure le messager. Mais si les origines exclusivement germaniques de la Réforme luthérienne la prédisposaient à un certain nationalisme religieux, pouvait-on s’attendre à ce que cet esprit d’orgueilleuse élection, qui érige la morgue nationale en vocation divine, se propageât parmi les dirigeans du catholicisme allemand ?

Une des personnalités les plus notables de l’Association populaire pour l’Allemagne catholique, M. Brauns, compare nettement l’Allemagne au peuple d’Israël ; et c’est du haut de la chaire qu’il esquisse le parallèle.


C’est le créateur et le maître du monde, dit-il, qui a donné aux Allemands des qualités et des talens spéciaux, et qui nous ordonne de pulluler avec ces talens pour la plus grande gloire de Dieu et le salut de l’humanité. Chaque peuple qui a en lui la force suffisante, qui produit les