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lignes françaises, ce qui n’empêche pas que la lutte ne nous ait coûté des pertes sensibles. Nos soldats ont montré tout le courage, toute la solidité des vieilles troupes, elles ont soutenu le feu avec autant de sang-froid qu’elles montraient d’élan et d’ardeur dans l’attaque à la baïonnette. Non seulement le gouvernement leur rend cette justice, mais les blessés eux-mêmes reviennent aux ambulances avec une fermeté et une satisfaction vraiment touchantes. Vous n’imaginez pas quel luxe de secours on a organisé pour les recueillir et les ramener ; on ne rencontrait dans Paris que des voitures consacrées à ce service ; d’abord les voitures des ambulances, très bien organisées ; ensuite des omnibus, des voitures de déménagement, des voitures de maître, des fiacres, où le drapeau de la Convention de Genève, blanc avec une croix rouge, ou une simple croix rouge peinte sur les panneaux, devaient faire respecter aux belligérans le service des blessés. Hier encore ces transports continuaient. On a surtout apprécié le service des mouches, mises en réquisition pour transporter nos braves amis. Tous les médecins sont consignés et à leur poste ; les sœurs de charité vont du champ de bataille aux hôpitaux ; deux cents frères des écoles chrétiennes, sous la conduite du frère Philippe, accompagnent les… »

Le texte s’arrête brusquement et reprend après un blanc : « . Cette lettre était commencée dimanche et je comptais vous l’envoyer lundi ; l’attente de nouvelles plus complètes m’a fait retarder mon envoi. Mardi et mercredi, j’ai passé ma journée aux remparts. Mais quelle triste soirée mardi, à l’annonce qu’Orléans était repris et notre armée battue ! Une sorte de stupeur a accueilli cette communication ; mais Paris s’est promptement remis de cet émoi. On s’est dit qu’en fait de nouvelles, la loyauté des Prussiens pouvait paraître suspecte ; on a pensé ensuite qu’une armée comme celle de la Loire ne pouvait pas disparaître en quelques heures, que la perte d’Orléans n’entraînait que des conséquences limitées. Enfin, deux heures après, l’esprit public s’associait pleinement n la réponse du gouvernement. Vous savez mieux que nous, mes bons amis, ce qu’il y a de vrai dans ces communications. Depuis bientôt cinq jours, pas un pigeon n’est arrivé ici ; on attend avec calme et courage ; mais cette ignorance presque absolue est une épreuve dont vous ne pouvez pas mesurer l’amertume. »