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d’ailleurs, il n’est point sur le globe, à l’heure qu’il est, de coin si retiré où l’on ne puisse trouver du pétrole et de l’essence.

En hiver, pour être plus long, le trajet n’en était que plus facile, s’imposant à peu près par les routes de l’Atlantique tropical. Après un ravitaillement « discret » dans une des baies voisines du cap Finistère, on pouvait atteindre les Canaries ou, mieux, le point le plus au Sud du territoire espagnol du Rio-de-Oro, sur la côte d’Afrique. Là encore on trouverait, à point nommé, un trafiquant allemand ou « hispano-germain, » vendant d’habitude du pétrole aux tribus demi-nomades de la Mauritanie et, les réservoirs remplis, on affronterait sans préoccupations trop vives les 2 300 milles de la traversée de l’Atlantique jusqu’à la hollandaise et accueillante Paramaribo. Après quoi, un « raid » fort ordinaire de 900 milles conduirait le sous-marin à l’abri des petites Antilles, chez d’autres neutres, les Danois de Saint-Thomas, dont la bienveillance ne pouvait être douteuse. C’était au reste la dernière escale de ce long voyage, car, de Saint-Thomas, on n’était plus qu’à un millier de milles de la Floride, à moins de quatorze cents du cap Hatteras.

D’autre part, si l’on prétendait aller tout droit au but en acceptant bravement les risques de fâcheuses rencontres sur les routes usuelles de l’Atlantique Nord, il n’était que de donner des « rendez-vous à la mer » bien étudiés et bien déterminés à des cargos neutres très authentiquement chargés pour l’Amérique, mais à qui l’on persuaderait sans difficulté, — en y mettant le prix, — de cacher au fond de leurs cales quelques caisses de combustible liquide et de s’arrêter en pleine mer le temps nécessaire pour procéder à un transbordement relativement facile avec des manches bien disposées.

Et enfin la meilleure solution était peut-être encore de combiner ces deux-ci en fixant les rendez-vous, non plus au large et en plein Atlantique, mais à l’abri, — « sous le vent, » — de la côte d’une des escales que j’indiquais tout à l’heure.

En fait, le Deutschland n’a pas, de l’aveu du président de la société qui l’a fait construire, suivi la route directe d’Europe aux Etats-Unis « Il ne la suivra pas davantage pour revenir, » ajoute M. Alfred Homann[1], et je le crois volontiers.

De plus, certains vapeurs qui traversèrent l’Atlantique à la

  1. Interview par le correspondant du journal hongrois Vilag, d’après le Matin du 18 juillet.