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la quille, » d’abord parce que leur hauteur même ne laisse pas d’être considérable, relativement, ensuite parce que. en raison de leur longueur, la moindre inclinaison accidentelle peut les conduire à « raguer » fort dangereusement le fond de la mer[1]. Alors qu’un petit sous-marin navigue assez facilement par 10 mètres de fond, il en faut au moins 20 pour un submersible de 1 500 à 2 000 tonnes. Or la limite des fonds de 20 mètres est assez éloignée du cordon littoral des dunes de la Frise orientale pour que des destroyers ou des croiseurs légers puissent y aller attendre un Deutschland sans risquer grand’chose, soit au point de vue des canons de côte, soit au point de vue des mines. Ce Deutschland, qui aura navigué en plongée pendant presque tout son parcours dans la mer du Nord, à partir du parallèle du Firth of Forth, du moins, sera donc forcé d’émerger un peu avant de se trouver dans la zone de protection de la défense fixe allemande.

« Peut-être, me dira-t-on ; mais il y a la défense mobile. Ce précieux submersible, si attendu, sera recueilli et protégé au moment de son émersion par les flottilles de Hochsee torpedoboote… Soit ! Mais alors il y aura bataille, et cela ne saurait nous déplaire, d’autant mieux que, dans le conflit, le submersible émergé recevrait probablement des coups fâcheux.

Je m’arrête là. Le sujet est de ceux qui, si on se laissait entraîner, fournirait la matière d’une forte brochure. Je ne ferai plus qu’une observation et, celle-ci, de portée générale.

Le Deutschland, accueilli d’abord, de l’autre côté de l’Atlantique, avec une stupeur peu bienveillante, — car enfin, il était aisé de sentir la menace de cette apparition soudaine*de la « puissance allemande » au cœur de la Grande République, si peu préparée à la guerre ; — le Deutschland, dis-je, a fini par être l’objet des manifestations répétées, bruyantes, tendancieuses, évidemment, grâce aux menées des pro-germains, d’une curiosité plutôt sympathique. Que les Américains du Nord, avec leur mentalité anglo-saxonne, fussent surtout frappés de la valeur de l’effort sportif, si l’on peut ainsi dire, accompli dans une traversée si chanceuse, à tous égards, nul doute pour qui les connaît. Il n’en reste pas moins que l’empereur allemand, a atteint l’un des buts qu’il se proposait. Il a su frapper des

  1. Ce danger, toutefois, est atténué, si les hélices sont dans l’axe médian, ou à peu près, comme celles des torpilles automobiles.