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imaginations qui commençaient à se montrer rebelles à l’admiration du Deutschthum.

Il ne compte pas s’en tenir là, sans doute, et déjà il fait annoncer un prochain voyage de Zeppelin au-delà de l’Atlantique. N’en discutons pas encore la possibilité. Ce ne serait, après tout, que l’affaire d’une « bonne série de vents d’Est, » pour prendre les choses au seul point de vue de la marine d’autrefois. Ce que je veux dire, c’est que, du côté des Alliés, on néglige peut-être un peu trop certains moyens d’action sur les neutres qui ne sont pas inutiles autant que nous le persuade notre belle foi dans la justice de notre cause et dans le succès final de nos armes. Est-il donc impossible, pour ne parler que des sous-marins, de faire exécuter par l’un des nôtres, ou plutôt par un groupe des nôtres, non pas une opération purement sportive ou dont l’utilité militaire n’apparaît pas immédiatement, mais une véritable action de guerre d’une haute importance en même temps qu’un exploit sensationnel ? Certes, si nous le voulions bien, et avec persévérance, et avec cette belle ingéniosité que ne nous a pas fait perdre le souci des opérations quotidiennes d’une guerre navale plus difficile, plus ingrate que brillante, certesI nous le pourrions…

De ces exploits où l’imagination se complaît volontiers, il en est un que nous avons essayé déjà de réaliser, mais auquel nous avons dû renoncer, desservis que nous étions par un certain nombre de circonstances défavorables, en particulier par quelques détails extérieurs de la construction de nos bâtimens de plongée : c’est la pénétration dans les rades défendues où se tiennent, jusqu’ici fort tranquilles, les escadres ennemies.

Je me garderai de rien dire sur les moyens d’obtenir ce résultat, mais on me permettra bien d’affirmer que ce résultat peut être atteint. Les difficultés à vaincre sont de l’ordre de celles dont l’étroite et intelligente collaboration du marin et de l’ingénieur doit venir à bout. Le jour où les « manchettes » des journaux de Baltimore porteraient en grosses lettres la nouvelle du torpillage des cuirassés allemands par des sous-marins alliés entrés, malgré tous les obstacles, dans la Jade ou dans l’Elbe, l’exploit du Deutschland serait assurément bien oublié.


Contre-Amiral DEGOUY.