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doit s’engager que dans la mesure exacte où ses pertes resteront nettement inférieures à celles qu’il aura infligées aux corps isolés qu’il lui a été donné de surprendre. Or, outre que déjà, fort probablement, dans les trois premières phases de la lutte, les pertes allemandes étaient égales aux pertes anglaises, les avaries subies par les unités qui se maintenaient à flot étaient d’une telle gravité qu’il y avait imprudence à les exposer, dans le désordre qui suit un engagement long et acharné, désordre que la nuit favorisait encore, aux coups d’un adversaire arrivant sur le champ de bataille en pleine possession de tous ses moyens.

Nous ne saurons que plus tard si la cinquième phase, celle de la poursuite jusqu’aux abords du camp retranché maritime d’HelgoIand-Cüxhaven, n’a pas en effet coûté plus cher à la Hoch see flotte que ses six heures de combat à peu près en ordre. Nous saurons peut-être aussi pourquoi, exactement, cette poursuite fut arrêtée à bonne distance de l’îlot fortifié qui défend le centre du front de ce camp retranché.

Le gros de la Hoch see flotte put ainsi mouiller avec quelque sécurité à l’ancrage classique, à l’Est du Sand Insel, là même où l’escadre française de 1870 venait prendre un peu de repos et refaire le plein de ses soutes. Et sans doute, pour atteindre ce mouillage, elle avait dû franchir par des « portières » ménagées à cet effet et connues des seuls Allemands, un certain nombre de lignes de mines ; mais justement, en serrant de près les grandes unités qui se dérobaient à la lutte décisive, n’était-il pas possible de profiter des mêmes passages ? Remarquons qu’il ne peut être question, dans ce cas, d’ouvertures de faible largeur, — 40 ou 50 mètres, — qui ne conviennent qu’aux entrées de port parfaitement balisées[1] et où séjournent toujours des pilotes spéciaux ou des bâtimens guides. Non, s’il y a des « champs de mines » aux abords d’Helgoland, ce que je considère comme douteux en ce qui touche le secteur du Nord-Est au Sud-Est de l’îlot, ces champs de mines doivent être séparés par des intervalles qui assurent une sécurité suffisante aux navires allemands désireux de se rapprocher du Sand Insel, la nuit ou par « temps bouché, » sinon par temps de brume.

En somme, la poursuite à fond à laquelle je fais allusion

  1. Balisage spécial du temps de guerre, bien entendu.