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mitoyennes. Avant la guerre, la Hollande, pays de libre-échange n’imposant à ses portes qu’un droit maximum de 5 pour 100, ne demandait guère à ses douanes qu’un recueil de statistiques ; faute de personnel, assez longtemps la mobilisation des fraudeurs marcha de pair avec la mobilisation de la douane.

Par-dessous les champs mixtes on siphonnait dans des canalisations souterraines alcool et benzine ; les « mitoyens » marchaient incessamment de Hollande en Prusse, ayant à leurs pieds des semelles détachables de caoutchouc ou de cuivre. Quand la voie de terre devenait impraticable, les fraudeurs s’attachaient au truquage des chalands ; des boulons de précision, faits de deux parties dévissables et invisiblement ajustables, permettaient de rouvrir à volonté les panneaux de charge sans violer les plombs de la douane ; par un curieux hasard, une péniche rhénane perdait régulièrement son ancre à chacune de ses montées vers la Prusse, car l’ancre est de cuivre coulé et passée au coaltar. A Sas de Gand, la frontière coupe "d’un angle droit les eaux du fleuve, ouvrant un port belge (provisoirement allemand) en face de la rive hollandaise où le poste douanier précède la dernière fabrique locale : une péniche passait à petite allure devant le poste, faisait mine d’accoster au quai de l’usine où les douaniers allaient l’attendre, puis, brusquement, se jetait dans les eaux interdites. Un barrage est maintenant établit désormais à toute hésitation répondent des coups de fusil.

Et pourtant, la Hollande ravitaille l’Allemagne, mais par des moyens légitimes officiellement offerts à tous les belligérans.

Pendant plus d’une année de guerre le contrôle des Alliés a, par une incompréhensible erreur, négligé de s’appliquer à certaines importations essentielles : ainsi jusqu’à la fin de mars 1915, le coton, qui n’était pas même déclaré contrebande de guerre, passait aux Pays-Bas en stock considérable, était ouvertement, légalement réexpédié à l’Allemagne. En 1916 l’Angleterre autorisait le libre transit et la réexportation du tabac qui peut, aux armées, être considéré comme un produit de première nécessité. Noire intervention exige, aujourd’hui encore, une inlassable mise au point dont nous gardons l’initiative et la responsabilité. Cette intervention, toutefois, ne peut s’appliquer aux produits de son territoire (sol et eaux) que la Hollande reste souverainement libre de vendre et d’expédier par ses voies de terre où nous n’exerçons aucun contrôle. Tout ce que les