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Ce genre d’expédition est un gouffre d’effectifs, car ne faut-il pas toujours aller de l’avant ? Le climat, les maladies éprouvent le corps expéditionnaire et, faute de but précis à atteindre, une fois Bagdad conquis, il aurait fallu déloger l’adversaire des positions d’où il menaçait la ville, et ainsi de suite. L’occupation de Bassorah devait protéger Abadan, puis la prise de Korna assurer Bassorah, puis encore Kut, et Nasirieh défendrait Korna... Où donc eût-on pu s’arrêter utilement ?

Les troupes anglaises en Mésopotamie représentent trois ou quatre divisions : deux sur le Tigre, et plusieurs brigades pour garder les territoires conquis. Chacune de ces divisions représente de sérieux effectifs. Aujourd’hui, la prise de Bagdad serait certainement plus précieuse. Ln tâche est facilitée par la présence de deux colonnes cosaques i-a()ables d’opérer une marche concentrique ; la liaison russo-anglaise, ainsi établie, formerait, dès lors, entre la Mer-Noire et le golfe Persique, un front de bataille à peu près continu.


Si, du point de vue militaire, l’expédition pouvait être mieux menée, elle présente toutefois, sous le double rapport, politique et économique, des résultats appréciables.

Les Anglais se sont assuré la maîtrise complète du golfe Persique. A Mascate, dans Koweït, à Bender-Bouchir, ils ont débarqué des troupes qui tiennent ces points importans et renforcent, avec une grande efficacité, les postes des îles Kishm Henjam et Larak. Au cours des trois années qui ont précédé la guerre, l’Allemagne avait poussé avec une extrême énergie le chemin de fer de Bagdad. Aussi, compléter sa domination du golfe Persique, c’est, en tout cas, pour la Grande-Bretagne, affaiblir l’instrument essentiel du renforcement de l’empire turc. La voie de l’impérialisme germanique vers la Perse et l’Inde est ainsi gravement touchée.

L’avenir de cette conquête coloniale apparaît féerique. Lord Hardinge, vice-roi des Indes, disait au Conseil législatif, réuni à Delhi, que la province de Bassorah l’avait frappé comme un pays d’immenses possibilités. Il ajoutait ne point concevoir un pays mieux fait pour l’immigration et que, dans l’avenir, un gouvernement stable transformerait cette contrée, lui rendant