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ne nous y courberons), ils en déduisent que nous ne saurions en inventer qui ne soient pas les leurs. Mais s’ils se trompaient, par aventure ; si nous avions plus d’imagination qu’ils ne nous en prêtent ? Le major Moraht et ses confrères sont visiblement surpris et un peu désorientés. Ce n’est pas à nous de leur expliquer leur erreur, ou plus exactement ce n’est pas à eux que nous voudrions expliquer leur erreur. Mais, pour les neutres qui pourraient croire encore à quoi que ce soit d’écrit et d’imprimé en allemand, sans trahir aucun secret, en ne parlant que dans la mesure où il est permis de le faire, nous leur en donnons l’assurance : ce qui s’exécute sur la Somme est de point en point ce qui avait été annoncé, et ce qui avait été annoncé s’exécute de point en point. Jamais il n’a été dit que ce coup-ci serait le grand coup, ni cette secousse l’ébranlement final. Au contraire, nous en avons été avertis en toutes circonstances, ce n’est encore que la pression : la poussée ne viendra que plus tard, et la percée après la poussée. Qu’on nous pardonne cet amas de métaphores : nous ne manions pas encore « le perforateur, » mais, comme l’a dit M. Lloyd George, « le casse-noisettes. » La percée, donc, sera pour plus tard, quand nous battrons le plein de notre force : nous ne l’avons pas atteinte encore. Pour le moment, voici sincèrement, honnêtement, où nous pensons en être.

Sur notre front occidental, front de France, c’est comme un match de boxe qui continue, presque ininterrompu, de reprise en reprise, et qui en est à la vingt-cinquième reprise. Aucun des deux adversaires n’est à terre ; mais l’un d’eux tourne instinctivement la tête vers l’horloge, et l’on devine qu’il attend, qu’il appelle le coup de cloche. Verdun n’aura pas peu contribué à l’époumoner ; car, justement, dans la minute où il s’arrêtait haletant, il s’est senti « accroché » de l’autre côté. Tel est le sens général et profond des combats qui se livrent quotidiennement dans Fleury et autour de Thiaumont, puisqu’ils ne pourraient pas, par eux-mêmes, conduire à grand’chose, et que, par eux-mêmes, ces décombres ne vaudraient pas le sang dont ils sont arrosés. C’est pourquoi l’héroïque, la glorieuse, l’immortelle défense de Verdun (passé un certain degré de beauté, il faudrait tant d’épithètes qu’il n’y en a plus) acquiert une si haute importance, se charge d’une si pleine signification. Elle seule a rendu possible l’offensive franco-anglaise sur la Somme, avec toute la préparation de personnel et de matériel que cette offensive exigeait ; possible aussi, — nos Alliés se sont plu à le reconnaître hier, au jour où elle entrait dans son septième mois, —