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leur bonne volonté, de leur plein gré, ne démordront point. Si les Empires du Centre disent maintenant ou font dire autre chose à la Roumanie, dont ils veulent écarter ou détourner l’intervention, qu’elle n’oublie pas et qu’elle prenne garde. Nous, nous ne pouvons lui dire, à elle, que ce que nous avons dit à d’autres : « Nous n’avons rien à vous offrir, parce que nous n’avons rien à vous demander. Dans les événemens prodigieux qui remuent et vont transformer le monde, chacun marque sa place, joue son jeu et taille sa part. Ceux qui ne veulent rien, qui ne redoutent rien et qui ne désirent rien, peuvent s’endormir dans la neutralité. S’ils ne craignent pas d’être dupes ou victimes de cette neutralité même, quels que soient le vainqueur et le vaincu, s’ils s’imaginent notamment que l’Allemagne, victorieuse ou vaincue, leur pardonnera même leur neutralité, ils ont raison de ne pas faire la guerre, car la guerre coûte cher, use de l’or et du sang, et dérange les petites combinaisons où l’on trouvait ses petites aises. Mais il ne faudra pas venir, lorsque les lauriers seront coupés. C’est le moment, pour tout peuple qui se sent de la sève, non seulement de mériter son avenir, mais de le gagner. »

Et ce qui nous excuse d’adresser ce discours à la Roumanie, c’est précisément qu’elle n’a pas besoin qu’on le lui adresse. Voilà reveimes, en 1916, les semaines de la grande résolution. La moisson est rentrée ; les armées russes sont à la frontière : et, derrière elles, les munitions affluent. La Roumanie ne fera point, par mauvais calcul ou mauvais conseil, le grand refus. Son choix est fixé, et nous dirions que nous ne tarderons pas à le connaître, si nous n’osions bien dire que nous le connaissons déjà.

Charles Benoist.


P. S. — La force des choses est partout la plus forte. L’inévitable s’accomplit. On annonce officiellement, ce matin 28 août, que l’Italie a déclaré la guerre à l’Allemagne, et, ce soir, que la Roumanie a déclaré la guerre à l’Autriche —Hongrie. Ce sont là des faits gros de conséquences ; qui ne surprendront ni nos ennemis ni nous ; sur la portée desquels ni nous, ni l’ennemi, ni les neutres, personne ne se méprendra, et que nous allons voir se développer, dès demain, jusqu’à ce qu’en sorte, hâtée et rapprochée par eux, une solution aussi inévitable qu’ils l’étaient eux-mêmes.

Ch. B.
Le Directeur-Gérant,
René Doumic.