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bois de pins avoisinans[1], » mais nous résistions sur la Somme champenoise, de Lenharrée à Sommesous. L’encaissement de cette petite rivière aux eaux blanches entre de hauts talus boisés en faisait une excellente ligne de défense. L’ennemi s’y butait sans rien obtenir. « De tous côtés il pleuvait des balles, lit-on, à la date du 7, sur le Carnet de route d’un officier allemand[2]. Nous ne pouvions pas avancer plus loin : l’ennemi était trop fort pour nous. À notre gauche, le 20e corps est arrivé à temps pour nous permettre de souffler un peu. Un feu infernal d’obus. Nous avions une soif terrible : un verre de Pilsen aurait été le bienvenu. Un obus, tout à coup, tombe dans le bois, et tue six hommes de ma section ; un second tombe droit au milieu de nous ; impossible de résister plus longtemps, nous nous retirons. Nous essayons plusieurs fois d’atteindre le village de Lenharrée, mais l’artillerie de l’ennemi balayait tout le bois, de sorte qu’il nous était impossible de progresser. Et nous ne pouvions repérer les canons de l’ennemi. » La précision de notre tir étonnait l’officier, qui en donne cette raison étrange que les « gardes-corps » combattaient là « sur un terrain que l’ennemi connaissait comme la paume de sa main » et qui était « un de ses champs de tir habituels. » Il s’étonnait également de l’ « immense réserve de munitions » que nous trouvions à lui opposer. À notre droite, la 9e division de cavalerie continuait à boucher vaille que vaille l’ « hiatus » entre la 9e et la 4e armée et prenait le contact vers Sompuis avec le 17e corps (de Langle de Gary), « qui avait réussi à gagner du terrain sur le XIXe » allemand[3]. La résistance qu’il rencontrait là, et particulièrement sur la Somme faisait rédéchir von Hausen qui demanda des renforts. Von Bülow, à notre gauche, sentant sa progression arrêtée entre Soisy-aux-Bois et Chapton, où nous le recevions sur nos baïonnettes, et, plus bas, vers la forêt du Gault et Charleville, faisait appel aussi à ses réserves. Elles arrivèrent dans la nuit. Une attaque générale fut combinée pour trois heures du matin. « Le temps est beau, un peu froid, note l’instituteur Roland. Dans la nuit, les incendies continuent à Oyes, Reuves, etc., à Villevenard même. » Torches tragiques,

  1. P. Fabreguettes : les Batailles de la Marne.
  2. Ce carnet, trouvé dans les tranchées de l’Aisne, a été publié par le Daily Telegraph du 19 octobre 1914. La traduction en est de l’abbé Néret.
  3. Gustave Babin, op. cit.