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contre lui. Gomez lui avait probablement dénié le droit de condamner et surtout de punir des erremens dont ses longues absences porteraient la responsabilité. François n’admettait pas que l’organisation qu’il avait improvisée afin de s’en aller plus vite au Japon fût la cause de l’insubordination des missionnaires et de leurs défaillances. Il trembla que l’esprit de Gomez ne les eût contaminés. Si l’on ne coupait pas court à ces habitudes d’indiscipline, c’en était fait de la Mission. L’apôtre céda le pas au Provincial.

Des chrétientés qu’il avait fondées ou rénovées, celle des Pêcheurs de perles était la seule qui prospérât. Les autres végétaient ou périclitaient. Il se montra très ferme et même assez cassant. Ses expulsions et ses menaces laissèrent aux jeunes missionnaires une impression d’inflexibilité redoutable. L’un d’eux écrira : « J’étais vraiment stupéfait en considérant quel désir il a de la gloire de Dieu et quel effet pénible produit en lui la vue des imperfections, si légères qu’elles soient, d’un de ses Frères ; et j’étais non moins émerveillé de la patience et douceur dont il usait envers ceux du dehors, encore qu’ils fussent grands pécheurs.. » Il est clair que les Pères de Goa furent un peu déconcertés par les rigueurs du Provincial et qu’ils envièrent plus d’une fois « ceux du dehors. »

Il avait choisi pour le remplacer pendant son voyage de Chine, qu’il préparait activement, Gaspard Barzée. La lettre où il l’appelait au Japon l’avait enfin touché ; et, depuis trois mois, Barzée était revenu d’Ormuz à Goa. Il exultait déjà à l’idée de courir les mers et d’évangéliser les Japonais, quand François lui délégua ses pouvoirs, avec l’obligation de ne point quitter Goa d’ici trois ans, sous quelque prétexte que ce fût. Le séjour embrasé de cet Ormuz, où les délices des voluptueux consistaient à dormir dans des cuves remplies d’eau, et où il passait ses nuits entières à entendre des confessions, avait encore exalté son amour du Christ et son ambition de souffrir. Ses lettres nous entourent de flammes. On ne pouvait appréhender de lui qu’un zèle intraitable. A Ormuz, sur huit novices qu’il était parvenu à rassembler, cinq étaient morts d’austérités. Mais François ne semblait pas redouter un sort semblable pour ceux du collège de Sainte-Foi. Si, dans ses instructions secrètes, il lui recommande d’user de charité et non de rigueur, il insiste principalement sur la nécessité de réprimer ceux qui