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régulière, disciplinée de l’activité chrétienne. Il n’y a pas un seul missionnaire sur la planète qui ne soit plus ou moins son héritier ou son imitateur. Le pasteur anglo-saxon ou américain qui, en Chine ou en Syrie, consacre parfois une partie de ses loisirs à lui chicaner sa gloire ou à regretter qu’il ait trop aimé la Vierge et les Saints, lui doit le meilleur de son idéal et quelques traits essentiels de sa conception apostolique. Plus, encore : son exemple est de ceux qui ont augmenté la confiance légitime que l’homme peut avoir dans ses propres forces alimentées par la foi et soutenues par la grâce. La nature est fière des victoires qu’il a remportées sur elle, et le dur traitement que ses mortifications lui ont imposé ajoute à la gloire de l’espèce humaine. Quelles pitoyables créatures nous serions et quelle triste famille si, dans la défense et la propagation des idées les plus désintéressées, des hommes comme lui ne relevaient notre honneur ! Sa vie est de toutes ses œuvres la plus substantielle et la plus vivante. Il a continué et il continue d’agir dans les âmes. Il a été de tous les labeurs ingrats qu’ont poursuivis les missionnaires de Jésus-Christ au Canada, en Amérique, en Afrique, en Chine, et de toutes leurs souffrances et de tous leurs martyres. On retrouve son souvenir sur tous les chemins qui les ont conduits vers les supplices et dans toutes les solitudes où ils ont failli perdre cœur. Ils ont envié ses courses les plus périlleuses, ses tempêtes, ses joies amères, jusqu’à ses humiliations, jusqu’à l’isolement de son grabat funèbre, jusqu’à son agonie, loin de tous les siens, sous les yeux bridés d’un Chinois. Et ceux qui sont partis pour convertir les païens ont vu briller, au terme de leurs efforts, comme de pures récompenses, des choses dont la seule pensée fait frémir.


ANDRE BELLESSORT.