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si elle ne rompt pas tout de suite, c’est qu’elle désire attendre que le printemps amène la fonte des glaces et lui permette de brûler les ports russes de la Baltique.

L’état de choses que nous rappelons se prolongea durant plusieurs semaines. Toutes les Puissances étaient d’avis que les difficultés pendantes ne pouvaient être résolues que dans un congrès. Mais on discutait aigrement sur les questions qui seraient soumises aux plénipotentiaires, si l’on parvenait à les réunir. Cependant, peu à peu les dispositions réciproques s’amélioraient. Le chancelier Gortchakof déclarait qu’il n’avait pas d’objection à faire « à la réunion d’une conférence qui réviserait les modifications introduites par le traité de San Stefano dans les traités antérieurs. » A la fin de mars, il envoyait à Berlin le général Ignatieff, diplomate habile et subtil, porteur d’une lettre du Tsar à Guillaume Ier, sollicitant son intervention en souvenir de l’antique alliance des trois empereurs. En quittant Berlin, Ignatieff se rendait à Vienne, chargé de désintéresser l’Autriche. Il en repartait peu satisfait du comte Andrassy, qui ne semblait pas plus satisfait de lui. Le ministre austro-hongrois disait railleusement :

— Avant de venir à Vienne, Ignatieff savait ce que l’Autriche ne veut pas ; il sait maintenant ce qu’elle veut.

Mais, au commencement d’avril, il écrivait confidentiellement au prince de Bismarck et le priait d’accepter le rôle de médiateur entre le Cabinet de Saint-Pétersbourg et ceux de Londres et de Vienne. Le chancelier convoquait aussitôt successivement les ambassadeurs des grandes Puissances, leur faisait part de la proposition dont il était saisi ; mais, tout en se montrant disposé à y répondre affirmativement, il déclarait qu’il n’interviendrait que si sa médiation était demandée par les gouvernemens et surtout par l’empereur de Russie. C’était un pas décisif dans la voie de l’apaisement. Le 26 mai, la réunion du Congrès à Berlin était assurée ; le chancelier l’annonçait officiellement. La date en était fixée au 13 juin ; il avait été convenu qu’il le présiderait. Il avait rédigé lui-même l’invitation adressée à, l’Allemagne, à l’Autriche-Hongrie, à la France, à la Grande-Bretagne, à l’Italie, à la Russie et à la Turquie, d’accord avec le comte Schouvaloff, ambassadeur russe à Londres. A la demande de lord Salisbury, il y était dit « que la totalité du traité de San Stefano serait soumise aux décisions du