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Comment s’opposer longtemps à la marche en avant d’une armée aussi bien flanquée, à moins que l’on ne soit en nombre très supérieur et supérieurement organisé ? Or, si l’on parle du nombre, réfléchit-on que, puisqu’il s’agit de fermer le cercle d’airain autour de l’Allemagne en occupant la Baltique, les Russes n’auront plus besoin de passer par Wladivostock pour venir nous joindre ? Encore ne parlé-je pas de certaine petite armée, — point « méprisable, » celle-là non plus, — qui pourrait bien se souvenir de la gloire acquise, il y a cent ans, auprès de nous, aussi bien que, lorsqu’elle combattit seule, en 1864, contre l’odieux spoliateur des faibles.

Et enfin, si cette expédition, dont on peut attendre les plus grands résultats, n’en avait pourtant pas d’autre que d’établir une armée alliée sur le sol allemand et d’y poursuivre les lentes mais sûres opérations de la guerre d’usure avec les moyens d’action dont nous disposons sur le front de la Somme, qui oserait dire que ce n’est point la peine de l’entreprendre ? S’il faut que, dans cette guerre barbare, des contrées entières soient dévastées, des villes brûlées, des villages rasés, des populations dispersées, n’est-il pas temps que tout cela se passe chez ceux qui ont inauguré ces méthodes de guerre et que les gens de Berlin, couchés à terre, entendent avec un frémissement d’angoisse les grondemens profonds de notre artillerie lourde ?


Contre-Amiral DEGOUY.