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LES MARAIS DE SAINT-GOND[1]

Dans les premiers jours de juillet, je m’étais fixé à Villevenard, petit village de trois cents habitans à l’orée des marais de Saint-Gond. C’est un lieu qui n’est pas trop mélancolique : la guerre l’a très peu éprouvé ; quelques maisons y ont été décoiffées par les obus, mais c’étaient des obus français et qui leur faisaient le moins de mal possible. La grande dévastation est ailleurs, de l’autre côté du Petit-Morin, à Reuves, Oyes, Broussy, Bannes, etc., où pleuvaient les obus allemands. Ces cadavres de villages, en cercle autour des marais, font paraître, par contraste, Villevenard presque gai : l’église elle-même, fort belle et de style roman, comme la plupart des églises de la contrée, n’a presque pas souffert du bombardement et, à la mairie, après le départ des troupes allemandes, M. Roland, l’instituteur, qui est un grand remueur de terre, a retrouvé dans l’ordre où il les avait classées toutes les pièces de sa collection préhistorique et gallo-romaine, — moins les objets d’or qui se sont envolés.

J’ai passé de longues heures dans ce petit musée, dont pourraient s’enorgueillir des cités plus illustres. On y apprend l’histoire des marais mieux que dans les livres. Entre deux conférences sur les tranchets de carnisation ou les pendentifs en coquillages tronconiques de l’éocène, M. Roland me contait ses souvenirs personnels de l’invasion. Il avait tenu journal de tout ce qui s’était passé à Villevenard du 3 au 10 septembre 1914. Il m’indiqua, dans les villages voisins, d’autres sources d’information où je pourrais puiser, si j’en étais curieux. Je crois

  1. Copyright by Ch. Le Goffic, 1916.