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Sans négliger ce qui se fait ou se prépare ailleurs, on peut dire que, pour l’instant, l’intérêt militaire s’est reporté et concentré sur le nouveau théâtre de la guerre, où se développe le double front roumain, Transylvanie et Dobroudja. En Transylvanie, dans le secteur central, au-dessous de Sibiu (en magyar, Nagy Szeben, en allemand, Hermannstadt), une contre-attaque en masse de Falkenhayn a amené la retraite des détachemens roumains vers le col de la Tour Rouge, dont ils ont gardé les côtés, et d’où ils seront à portée de repartir pour une seconde poussée ou du moins une seconde pointe. Plus à l’Ouest, aussi, vers la passe de Vulkan, aux environs de Petroseny, nos alliés ont été refoulés ; et aussi vers Brasso. Ce sont, pour eux, des échecs qu’il n’y a pas lieu de nier ni de déguiser, mais des revers locaux et partiels, qu’il y a lieu encore moins, pour les Austro-Germano-Bulgaro-Turcs, d’exagérer et d’enfler en triomphe.

À l’arrivée précipitée des Sekles et des Saxons fuyant devant la vague roumaine, Budapest avait eu si peur, que maintenant elle exultait ; elle acclamait la vaillance allemande, la prévoyance allemande, l’organisation allemande, le génie allemand, le libérateur allemand, le sauveur allemand ; et elle dépouillait même toute réserve, toute retenue, toute pudeur patriotique. Dans cet hommage à l’Allemagne, peut-être y avait-il encore, par la force d’une vieille habitude, une fronde contre l’Autriche ; mais le fait est que la capitale hongroise pavoisait et illuminait en l’honneur du héros allemand. Le héros allemand laissait faire, se complaisait dans le bruit de son succès qui, contrairement aux lois de la physique, grossissait avec la distance. « La première armée roumaine a été cernée à Hermannstadt, par les Bavarois du général Krafft von Delmenstngen, écrivaient, le 1er octobre, les Münchner Neueste Nachrichten, ou Dernières Nouvelles de Munich. Les pertes de l’ennemi en prisonniers, en matériel de toute espèce, sont extraordinairement élevées. »

Lorsque, pourtant, au lieu d’adverbes et d’adjectifs, on s’est vu obligé de donner des précisions et des chiffres, il s’est trouvé que ni la première armée roumaine, ni aucune autre, n’avait été « cernée, » et que ces pertes « extraordinairement » élevées en prisonniers n’étaient pas, par les Allemands eux-mêmes, évaluées à plus de 3 000 hommes. La victoire de Falkenhayn à Hermannstadt n’était pas, par conséquent, plus « décisive » que la victoire de Mackensen dans la Dobroudja ; ce qui n’empêchait point de la carillonner ; mais les cloches ont sonné en vain, ou, dans tous les cas, trop tôt et trop haut. À la vérité, dans la confusion d’opérations encours, qui ne sont pas