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revint ensuite à son origine, dans la péninsule des Balkans ; soit, mais il faut savoir que ce serait folie d’y risquer toute sa fortune et de n’y point employer toutes ses forces. Il n’est heureusement pas besoin de génie pour s’en persuader et ordonner en conséquence, il suffit d’une tête claire et volontaire. Nos forces, en leur ensemble, les forces de la Décuple Entente, ses moyens, ses ressources, dépassent assurément celles de la Quadruple Alliance. Elles sont plus grandes et elles sont plus fraîches. Nous n’en touchons, ni en quantité, ni en qualité, la limite. Pour avoir surpris quelques bataillons roumains dans Tourtoukaï, et fait, sous Hermannstadt, selon leurs propres bulletins, trois mille prisonniers, les Allemands,’enragés à se duper au dedans pour « bluffer » au dehors, tirent des conclusions extravagantes : ils auraient capturé ou anéanti ou paralysé le quart de l’armée roumaine : avec deux zéros, les milliers se transforment en centaines de milliers. Quelle plaisanterie ! Mais nous demandons sérieusement : que fait l’Autriche, dans la défense de la Galicie et de la Transylvanie ? Où sont les armées autrichiennes ? Broussiloff s’était-il vanté, en parlant, pour son printemps et son été, non pas de 3 000, mais de 420 000 prisonniers, sans ajouter, dans sa modestie, que le chiffre était « extraordinairement » élevé ?

Admettons, sur la foi des meilleurs renseignemens, qu’il reste à l’Au triche-Hongrie, sur le front oriental de Russie et de Roumanie, quarante-quatre divisions d’infanterie, plus onze divisions de cavalerie. L’Allemagne aurait, sur ce même front, soixante-six divisions et demie, plus dix divisions de cavalerie, remaniées, il est vrai, suivant la recette de Hindenburg, c’est-à-dire formées chacune de trois régimens, au lieu de quatre, et il s’y serait joint, en outre, trois ou quatre divisions turques, plus ou moins régulières, où l’on trouvait jusqu’à des Arabes de Syrie. C’est autour de Kovel et de Vladimir-Volinsky que, tant de la part des Russes que de la part des Austro-Allemands, l’action s’est engagée et se propage depuis trois semaines. Hindenburg est trop l’homme de la stratégie des chemins de fer pour confier à d’autres, dont il n’est pas très sûr, la garde et la protection de ces nœuds de chemins de fer, qui lui donnent, au moins relativement, la liberté de sa manœuvre. Aussi Kovel est-il, pour les neuf dixièmes, tenu par des troupes allemandes ; de même Vladimir-Volinsky ; et de même Halicz. Une formidable artillerie de tout calibre a été, par substitution, accumulée dans le secteur septentrional, de Riga au Pripet, et l’on a pu, cette précaution prise, en le réduisant à une rigoureuse défensive, le drainer, le vider presque, pour garnir les