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ranée, un croiseur auxiliaire, qui transporte des troupes, et qui, à double titre, est un navire de guerre, soit torpillé, c’est un fait douloureux, que nous déplorons amèrement, que nous voudrions qu’on rendit impossible par une vigilance incessante et la pleine domination de la mer, mais c’est un fait de guerre. Il n’en est pas ainsi pour les neuf navires de commerce, parmi lesquels plusieurs neutres, qui ont été coulés, en bordure, si ce n’est déjà dans la limite des eaux territoriales, et dont l’un, le Stefano, promenait d’innocens touristes. On nous assure que le président Wilson et le département d’État sont « grandement préoccupés de la situation dans les parages de Nantucket ; » qu’ils « désirent savoir s’il y a des victimes, » surtout « quelque citoyen des États-Unis, » et si les bâtimens détruits avaient été, du moins, par une attention suprême, l’objet d’un avertissement préalable. Ils ont prescrit, sans nul délai, qu’une enquête sévère fût ouverte… Mais il n’est pas besoin de tant de recherches pourvoir que l’audace criminelle des sous-marins allemands, formés peut-être en escadrilles, aboutit pratiquement au blocus des ports américains, où ils entrent comme chez eux, et d’où les bateaux de l’Union eux-mêmes, eux les premiers, n’osent plus sortir. Et il n’est pas besoin non plus de fouilles bien longues dans les archives pour retrouver un document qui disait : « A moins que le gouvernement impérial allemand renonce à ses méthodes de guerre contre les navires transportant des passagers ou des marchandises, le gouvernement américain n’aura pas d’autre alternative que de rompre complètement ses relations avec le gouvernement de l’Empire allemand. » L’Allemagne, alors, se soumit et jura. Celui-là aussi, cet engagement solennel, souffrira-t-on qu’il soit traité comme un simple « chiffon de papier ? »

Par cet accès de fureur épileptique, il ne s’agit pas pour l’Allemagne de chauffer l’esprit public, en vue de son cinquième emprunt. Il est clos ; et il n’a donné nominalement qu’une dizaine de milliards de marks ; — un peu moins que le quatrième ; — en réalité, trois milliards d’argent liquide. L’Empereur, qui en est arrivé à se méfier de sa propre popularité, l’avait pourtant placé « sous le signe » de Hindenburg. Le nôtre se place hautement sous le signe de la Victoire.

Charles Benoist.
Le Directeur-Gérant,
René Doumic.