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sérieuses inquiétudes, que sa femme décida de prendre sa retraite. Elle lit ses adieux à la scène, le 31 mars de cette même année.[1], et Samuel s’éteignit au mois d’août suivant[2].

Sur la vie privée de Mimi, pendant et après son mariage, les détails font défaut. Le couple semble avoir vécu en bonne intelligence, bourgeoisement et sans aventures. Ils fréquentaient assez assidûment le château de Passy, où Manon, — Mme de Fontaine, — menait grand train grâce à Samuel Bernard ; et les enfans des deux ménages fraternisaient dans une intimité complète, sans que la vertueuse comédienne parût choquée de la liaison affichée par sa sœur. cette tolérance paraît plus singulière, lorsque, dans sa correspondance avec son fils aîné, Charles-Louis Boutinon, connu sous le nom du chevalier d’Assay, on lit les édifians conseils qu’elle prodigue au jeune homme, alors en Italie[3]. Elle meurt de peur qu’il ne s’égare, qu’il ne succombe aux tentations qui assiègent la jeunesse. Elle est surtout poursuivie par la crainte qu’il ne s’approche des sacremens trop légèrement, sans préparation suffisante : « Tranquillisez-vous, ma chère maman, lui répond gentiment son fils, sur la fréquentation des sacremens ; j’en use avec modération. Il est vrai qu’on ne saurait prendre trop de précautions pour s’en approcher dignement ; mais l’on a ici (à Rome) des grâces que vous n’avez point en France. » L’ex-pensionnaire du Théâtre-Français, on n’en saurait douter, était tant soit peu janséniste.

Pour en finir avec Mimi Dancourt, — c’est toujours sous ce nom que la désignent ses contemporains, — disons qu’elle atteignit la plus extrême vieillesse. Elle avait toujours joui d’une santé merveilleuse : « Ma mère qui a soixante et tant d’années, écrira sa fille[4], est forte et n’a jamais eu seulement mal à la tête. » Elle ne mourut qu’en 1781[5], en entrant dans sa quatre-vingt-seizième année. Tous ses enfans, depuis longtemps, l’avaient précédée dans la tombe.


SEGUR.

  1. Archives du Théâtre-Français. Elle reçut, suivant l’usage, une pension de mille livres.
  2. Le 27 août 1728. Il fut inhumé à Courcelles.
  3. Archives du comte de Villeneuve-Guibert.
  4. Lettre de Mme de La Pouplinière au maréchal de Richelieu. Collection de l’auteur.
  5. Le 21 mars.