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livraient aux pratiques, que les Rose-Croix d’Allemagne avaient mises à la mode chez les savans du XVIIe siècle, et que Descartes dut désavouer, au cours de l’un de ses voyages en France, lorsqu’on l’accusait d’avoir animé, par magie, une automate de jeune fille. On sait que Rembrandt fut séduit par les doctrines ésotériques de la Cabbale, et c’est peut-être l’un des mirages auxquels il assista, qui fait l’objet de cette eau-forte prestigieuse, qu’on connaît, à tort, sous le titre de Faust.

Puis, la série des petites planches en croquis reprend quelques mois dans l’œuvre du maître, et nous conduit à cet expédient audacieux de la transformation d’une eau-forte de son vieil ami Hercules Seghers, qui venait de mourir. Ayant acquis sa planche de l’Ange quittant Tobie, Rembrandt en fit une Fuite en Égypte, en conservant la moitié de l’œuvre de cet artiste. Vient ensuite le Saint Jérôme au torrent, pièce magnifique d’une qualité technique exceptionnelle.

Enfin, voici les Trois Croix, l’œuvre sublime et fulgurante que Rembrandt modifia par trois fois, dans des états de plus en plus puissans. C’est une vision d’Apocalypse qui résume le drame du Golgotha en des tableaux d’une émotion si poignante, qu’il semble que le souffle de l’Ange, qui inspire son Saint Jérôme, dans le tableau du Louvre, l’ait soutenu dans cet état de « fureur sacrée » qui lui fit sabrer violemment toute sa planche, de grandes stries désordonnées. Jamais le cataclysme des Écritures n’avait été traduit, en quelques traits, avec une telle puissance d’évocation, par des moyens plus que sommaires, d’une audace inconcevable. Sur le groupe des soldats, des Juifs et des Disciples passent, en stries noires et obliques, d’épaisses trombes cinglantes qui font se cabrer les chevaux ; tandis qu’une lueur fulgurante, traversant ce déluge, tombe verticale et livide sur le Christ supplicié émergeant, à peu près seul, d’un décor fuligineux, où se devine un grouillement de larves mouillées fuyant l’horreur du cataclysme.

Puis c’est la série, si variée, des onze planches de 1654, où la Descente de Croix aux Flambeaux et la Présentation au Temple opposent leurs qualités de puissance dramatique et de somptuosité, dans deux pièces de même format, d’une variété étourdissante. La Présentation au Temple suggérée par le Baptême de sa petite fille Cornélia, est d’une magnificence d’autant plus imaginative, que la scène réelle du baptême dut