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de soi que les Allemands, dont il ne manque pas une occasion de dénoncer les mensonges ou de flétrir les crimes, se vengent de lui, comme ils peuvent, en feignant de ne voir dans ses écrits, d’une si haute et si ferme tenue, que les radotages incohérens d’un octogénaire tombé en enfance. Par où ils font preuve d’autant de maladresse que de dépit. Car il n’y a pas, que je sache, de citoyen plus universellement respecté dans sa patrie que le docteur Eliot. « Il a pour nous la valeur d’un principe, » me disait un de ses anciens étudians ; « il est de ces hommes dont on ne craint pas d’affirmer, comme jadis, de Caton d’Utique, que la cause embrassée par eux demeurerait encore la bonne cause, même si les dieux l’abandonnaient.


Victrix causa diis placuit, sed victa Catoni.


N’eût-il pas esquissé d’autre geste, que le fait seul de se déclarer leur partisan eût encore puissamment servi auprès de l’Amérique consciente les intérêts de la France et de ses alliés. »

Du président émérite de Harvard, nous ne séparerons pas son successeur actuellement en charge. Non que M. Lowell ait, comme M. Eliot, donné carrière ouverte à ses sentimens. Les devoirs de sa fonction l’obligent à une réserve dont je ne crois pas qu’il se soit jamais départi. La consigne officielle étant la neutralité, il en pratique au moins les apparences avec une correction où le hargneux Munsterberg lui-même trouverait difficilement à reprendre, bien que, dans l’intimité, le président ne l’épargne guère, si, toutefois, le mot que je lui ai entendu prêter sur son terrible subordonné teuton a réellement été prononcé. On sait que le professeur Munsterberg enseigne, depuis longues années à Harvard, dont les étudians ne le désignent communément que sous le sobriquet peu académique de monster bug, « la punaise monstre. » Il y a toujours été considéré comme un agent in partibus de la politique allemande, et, la guerre survenant, il ne s’est pas fait faute de jeter le masque. Des milliers de propagandistes sans scrupules qui « travaillent » les États-Unis pour le compte du Kaiser, il est incontestablement celui qui s’étale avec la complaisance la plus indiscrète et la plus tranquille impudeur. Il monde les vastes feuilles américaines de sa copie, il les abreuve de sa prose jusqu’à la satiété. La lecture de ces intempérantes dissertations, d’une saveur sui generis, a été le régal presque quotidien de mon exil. Leur savant