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par surcroît, La Gazette du Rhin et de Westphalie affirme : « Notre ennemi est dans l’Ouest ; 90 p. 100 des Allemands sont persuadés à bon droit qu’il faut régler définitivement leur compte à l’Angleterre et à la France. Nous tenons notre épée plongée dans le ventre de l’adversaire : il nous faut ou l’anéantir ou nous réconcilier avec lui. Une réconciliation avec l’Angleterre et la France est impossible ; pas de négociations, mais l’écrasement de ces deux peuples, et la voie ouverte jusqu’à la mer: Le vainqueur n’abandonne rien de ce qu’il a que contre compensation, et 5 milliards ne nous suffiront pas. C’est sur la France que nous nous dédommagerons; chaque mètre carré de sol français que nous conquerrons désormais nous appartiendra. Quant à la Belgique, il va de soi qu’il nous faut Anvers et la côte belge. »

Voilà les morceaux destinés à la consommation intérieure.; il s’agit de rehausser ou de maintenir l’esprit public en Allemagne à un niveau assez élevé pour que l’on puisse, le cas échéant, proposer la paix allemande, une paix ehrenvoll, ce qui signifie non pas une paix honorable, mais une paix « pleine d’honneur, » — l’honneur, encore une fois, étant entendu d’une certaine façon. Les plus sages, les plus raisonnables, parlent d’annexer seulement le bassin de Briey; c’est le minimum ; il n’y a pas de maximum ; et quant à rendre l’Alsace-Lorraine, personne n’y songe, ou l’on n’y songe que pour refuser. Mais, pour le dehors, on lance par les fenêtres d’autres morceaux, dans l’espérance qu’il se rencontre quelque passant qui les happe. Il en est de plus durs, il en est de plus tendres, mais tous en somme sont conformes au type donné. On dit aux uns : « Que les neutres se mêlent de leurs affaires, ou s’ils s’avisent de se mêler des nôtres, que ce soit dans le sens de nos intérêts et de nos désirs. Quiconque nous proposera sa médiation, devra partir de l’acceptation expresse de cet axiome que la victoire nous appartient et ne saurait plus nous échapper. » Le comte Reventlow et M. Georges Bernhard repoussent nominativement la médiation américaine, que M. Scheidemann avait invoquée, cependant que M. de Bethmann-Hollweg en personne, dans une interview accordée au journaliste américain Hale, concilie la contradiction en annonçant que l’Allemagne, « quoique sûre de la victoire et disposée à lutter jusqu’au bout, n’en est pas moins à tout instant prête à négocier la paix. » Chez les neutres eux-mêmes, l’Allemagne affecta des airs de victime. Elle n’a pas voulu la guerre. On l’y a contrainte, tout un monde d’ennemis s’est conjuré contre elle. Maintenant encore, ou victorieuse, ou ayant fait la preuve qu’elle ne pouvait être vaincue, elle consent à