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parole. Il commence par un dithyrambe à la gloire de l’Allemagne en armes. La Roumanie, la Transylvanie, l’Orient, la Somme et le Carso défilent, et les batailles qui sont gagnées, et le ravitaillement qui est assuré. « Une direction géniale et des œuvres d’héroïsme inouïes, dit solennellement le chancelier, ont créé des faits de bronze. » Mais le cœur de l’Empereur, ce cœur intimement moral et religieux, souffre depuis plus de deux ans pour son peuple et pour tous les peuples. « C’est pourquoi Sa Majesté, en plein accord avec ses alliés, a pris la décision de proposer aux Puissances ennemies d’entrer en négociations de paix. » Derechef, au long de plusieurs paragraphes, M. de Bethmann-Hollweg verse en une série de sophismes historiques et philosophiques, panachés de rodomontades ; et ce serait toute la substance de ses déclarations, si, vers la fin, il n’eût glissé, incidemment et comme sans conviction, une vague promesse : « Les propositions de paix que les Puissances alliées apporteront dans ces négociations... » Apporteront, au futur. N’est-ce pas souligner que, quant à présent, elles n’apportent qu’une intention d’apporter ? Et nous ne leur demandons pas plus, puisque nous ne leur demandons même pas cela; mais prenons bien ce qu’elles ont dit pour ce qu’elles ont dit, et non pour ce qu’elles diront. D’autant que ce que le chancelier ne nous a pas dit, de la tribune du Reichstag, il ne nous l’a pas non plus fait dire.

Ce sont les Puissances chargées de la défense des intérêts allemands dans les pays ennemis qu’il a priées de transmettre sa note. Elles l’ont en effet transmise à ce titre, sans annexe, sans supplément, sans commentaire, comme on s’acquitte d’une commission-par une simple lettre d’envoi. Mais au bout de trois ou quatre jours, M. le président Wilson, — pure coïncidence, il a grand soin d’en témoigner, — saisit officiellement tous les gouvernemens, belligérans et neutres, d’une autre note de son cru. Il jure qu’elle est de lui-même, de lui seul; que l’inspiration est de lui, la rédaction de lui ; il revendique un droit d’antériorité, nie toute collusion; et on peut l’en croire : c’est son esprit et c’est son style. Dégagée des circonlocutions inutiles qui sont le fond de la diplomatie classique, et des considérations, mi-humanitaires, mi-utilitaires, où elle s’attarde et se délaie un peu, la note américaine « suggère » (M. Wilson s’accroche à ce verbe) qu’«une occasion rapprochée soit recherchée pour demander à toutes les nations actuellement en guerre une déclaration publique de leurs vues respectives, quant aux conditions auxquelles la guerre pourrait être terminée et aux arrangemens qui seraient considérés comme satisfaisans en tant que constituant des garanties contre le