Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

souvent périlleuse, toujours pénible, étaient, « dans le civil, » des paysans, des ouvriers, des prêtres, des bourgeois, mais bien rarement des infirmiers professionnels. Le nombre de ceux-là est infime, par rapport aux autres. C’est pourquoi l’aide apportée par les dames des Croix-Rouges fut si précieuse et même indispensable, la quantité des blessés ayant dépassé toutes les prévisions.

Il n’en va pas tout à fait de même pour la marine, qui recrute son personnel dans le corps régulier des infirmiers de la flotte, formé avec le plus grand soin dans ses hôpitaux et choisi parmi l’élite des équipages. Néanmoins, dans certains cas, ce personnel ne peut suffire à une tâche qui dépasse ses forces et ses moyens, et ses dames infirmières font tout ce qui doit et peut être fait, sans barguigner : pansemens, piqûres, nettoyages, etc. Il en fut ainsi, sur le S…, lors de l’évacuation des Serbes.


Ce que nous appelons la « répétition générale du sauvetage » a eu lieu dans l’après-midi. Au signal donné par le clairon, toutes les personnes présentes à bord ont dû prendre les appareils disposés en des endroits déterminés et rejoindre leurs postes près des embarcations désignées à l’avance. Tout s’est passé en bon ordre, et cela faisait par les coursives et les échelles un amusant défilé d’officiers, de matelots surgissant des profondeurs du S…, de dames infirmières, tous bizarrement affublés de ceintures en kapok ou en liège, et de petits collets pneumatiques pareils à des haricots noirs…

Puis, les passagères se sont retirées, chacune chez soi, et j’ai employé la fin de la journée à parer mon petit logis, à lire, à me documenter sur Salonique.

Au crépuscule, nous nous retrouvons toutes sur le pont, avant le diner. Une brume, montant de la mer, éteint la rougeur fumeuse du soleil, qui meurt sans éclat et sans reflet. Les montagnes de la Corse s’esquissent vaguement, dans un bruit d’orage où palpitent de silencieux éclairs. Nous ne verrons de l’île merveilleuse que les feux des Sanguinaires et nous arriverons, à la nuit noire, devant Bonifacio.

Mais, voilà qu’autour de nous passent des frissons d’ailes. Un vol d’oiseaux, échappés du maquis, nous apporte la