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le baron Schenck, on rappelle nos prétendus empiétemens sur la souveraineté de la Grèce. Et nous ne répondons rien ou presque rien, alors que les argumens sont innombrables et que nous ne serions pas en peine d’énumérer nos motifs de justification.

« Pourquoi ce silence ? Parce qu’il nous faudrait révéler des actes d’hostilité et que nous ne voulons pas le faire, — du moins en ce moment, — par égard pour nos amis, car nos amis sont Hellènes avant que d’être francophiles, et cela est très naturel. Quant à nos ennemis, leur francophobie s’accroît par l’effet de ces mêmes ménagemens qu’ils interprètent comme un signe de faiblesse.

« Ainsi nous guidons notre conduite sur les sentimens du groupe ami, sans nous préoccuper suffisamment peut-être du groupe ennemi que des optimistes mal informés tiennent pour restreint et négligeable ! Or, le sentiment sympathique du groupe ami, dans l’état actuel des choses, demeure passif et platonique, tandis que le sentiment hostile de l’autre groupe est actif et efficient.

— Alors, les traditions du peuple grec, l’aide séculaire que nous.lui avons largement donnée, sss intérêts mêmes, d’ordre matériel et moral, l’influence de Venizélos, les déclarations réitérées des importantes colonies helléniques, toutes dévouées à l’Entente, cela compterait pour rien, en face du roi Constantin et de sa séquelle ?

— Je ne dis pas cela ! Je ne méconnais pas la valeur de l’amitié et du concours que les vénizélistes nous donnent. Mais eux-mêmes ont-ils la liberté et la puissance d’action qui leur seraient indispensables ? Entre les germanophiles et les francophiles, il y a une masse amorphe, indifférente, qui n’est d’aucun parti, mais qui veut, avant tout, ne rien risquer, ne pas se battre. Il faudrait galvaniser cette masse, réveiller en elle le sentiment national… Difficile entreprise !… Et puis, cette masse populaire, qui aime tout ensemble le Roi, Venizélos, la France et la paix, est sans cesse travaillée par la propagande germanique, et nous serions bien déçus si nous faisions fond sur elle.

« D’autre part, la confiance que nous avons témoignée à tel ou tel qui se révéla notre adversaire pouvait refroidir nos amis. En Orient, parmi ces commerçans à l’esprit délié dont