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Comparons maintenant les accroissemens annuels des populations pendant les dernières années avant la guerre. Ces accroissemens sont, pour 10 000 habitans, de 141 pour l’Allemagne, de 115 pour l’Angleterre, de 114 pour l’Autriche-Hongrie, de 113 pour l’Italie ; pour la France, de 7.

Nous avons tous entendu de prétendus sages se consoler en disant que, depuis longtemps, il y a dans tous les pays une décroissance régulière de la natalité, et que le développement de la civilisation conduit fatalement à cette diminution. La première partie de cette affirmation, qui est un point de fait, est exacte. On peut avoir des doutes sur la seconde, en tant que cette loi de diminution est posée a priori et déclarée fatale, car les progrès des applications scientifiques, en facilitant de plus en plus les conditions de la vie matérielle, opèrent en sens inverse. Ce qui importe seul pour le moment, c’est la comparaison des chiffres que je viens de citer. Le chiffre 7, rapproché de nombres qui oscillent autour de 120, est tristement significatif et véritablement effrayant. Quant aux enfans des deux sexes de 1 à 12 ans, il y en a actuellement 18 millions en Allemagne, contre 8 millions chez nous. Tandis qu’autour de la France s’accroissent tous les peuples, elle seule reste stationnaire.

Avant les heures tragiques que nous traversons, ces statistiques étaient regardées comme inopportunes. Elles restaient d’ailleurs confinées dans des publications peu accessibles au grand public. Le mal en apparence ne touchait aucun de nous. Plus d’un, parmi les gens avertis, ne voulait pas penser à la gravité du danger, et continuait à voir dans cette diminution un signe de haute civilisation, détestable paradoxe à l’usage des pays résignés à disparaître. On entendait parfois parler avec quelque mépris de la natalité inconsidérée de l’Allemagne, et on croyait à la surpopulation allemande, Or, en réalité, celle-ci n’existe pas, car les campagnes germaniques ne sont pas trop peuplées, tout au contraire ; et l’émigration à titre définitif y est aujourd’hui extrêmement restreinte. La vérité est que la natalité allemande est un des élémens de la redoutable force, au moyen de laquelle ce peuple de proie croyait pouvoir prétendre à la domination mondiale.