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La guerre actuelle fait voir toutes choses sous un jour plus juste, et le temps est passé des vains dilettantismes. L’importance du nombre éclate à tous les yeux, et aucun Français réfléchi ne peut douter que la déchéance de la natalité a eu pour conséquence l’affaiblissement des productions de tout ordre dans notre pays. La stagnation de notre population n’est-elle pas une des causes de l’arrêt relatif de notre commerce et de notre industrie par rapport à ceux d’autres nations ? Avec plus d’hommes, nous aurions plus d’ouvriers et d’ingénieurs dans nos usines, plus de voyageurs pour placer au dehors les produits de notre industrie et développer notre commerce ; nous aurions pu ne pas laisser inexploitées ou exploitées par des étrangers certaines de nos richesses naturelles. Est-ce aussi chez un peuple clairsemé qu’ont le plus de chance d’apparaître dans les sciences, dans les lettres, dans les arts les hommes éminens qui sont la gloire de leur pays ? On sait que la science elle-même est devenue pour l’Allemagne un moyen de domination. Si ses savans n’ont pas l’originalité qu’ils s’attribuent, ils sont très nombreux, et leur travail méthodiquement organisé exploite les idées émises ailleurs, souvent au grand profit de la fortune publique. Et enfin, et surtout, on peut affirmer que, s’il y avait eu, en 1914, quinze ou vingt millions de Français de plus, nous n’assisterions pas aujourd’hui à la lutte terrible, où la France a failli périr.

Pensons aussi aux jours qui suivront une victoire, qu’une coordination de mieux en mieux établie entre les forces presque sans limites des nations alliées contre l’Allemagne finira par lui imposer. Il ne suffit pas de vaincre ; il faut encore profiter de la victoire. Le pourrions-nous, si notre population restait stationnaire ou décroissait ? Nous ne jouirions pas longtemps d’une paix heureuse, et le sang, généreusement répandu par nos fils, n’aurait retardé que de quelques années la ruine de notre pays. On frémit à cette pensée impie ; mais cependant, une France, en partie déserte ou peuplée d’étrangers, anémiée dans toutes les manifestations de son activité collective, ne serait-elle pas une proie facile pour une nouvelle et dernière invasion ?

Persuadons-nous donc bien que la question de notre natalité est la question capitale, qui domine toutes les autres. Il est très utile de faire des projets pour la reconstitution de la France de