Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/380

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

demain, mais c’est à la condition que nous pourrons compter sur l’élément humain nécessaire pour toutes ces réfections.


En signalant les dangers que fait courir à notre pays l’insuffisance de notre population, nous venons d’insister sur les côtés économique et militaire. Mais ce n’est là qu’une face de la question. Celle-ci est aussi, elle est surtout d’ordre moral. Morale sociale et morale privée sont étroitement liées au grave problème qui nous occupe. L’homme cherche le plus possible à se survivre ; mais ce n’est pas assez dire. Affirmons-le bien haut : c’est, sauf des cas très particuliers où l’idée de dévouement et de sacrifice sous des formes diverses joue le principal rôle, un devoir impérieux de transmettre la vie. Les uns trouveront l’origine de ce devoir dans un idéal qu’on peut dire religieux, laissant soit à une Providence qui veille sur le monde, soit à l’ordre résultant des lois naturelles le soin de régler le développement des familles. D’autres rattacheront ce devoir à l’amour et au culte de la patrie, à un idéal patriotique, latent quelquefois, mais subsistant toujours chez les nations qui ne veulent pas périr, idéal qui, à certaines heures, transforme et exalte les âmes, comme en témoignent nos héroïques combattans. A côté des vertus militaires, il y a les vertus civiques, et, suivant la forte expression du docteur Bertillon, le devoir est aussi impérieux de contribuer à la perpétuité de la patrie que de la défendre.

Quelles sont les causes profondes amenant en France l’effroyable diminution constatée dans la natalité ? Notre peuple, vieilli et fatigué, est-il incapable de se reproduire ? Il n’en est rien, comme on le constate au Canada, comme le montre l’Algérie où notre race est aussi féconde qu’aucune de celles qui lui font concurrence, comme on le voit dans l’Alsace qui nous fut enlevée il y a quarante-cinq ans, comme on le voit enfin dans les grandes familles qui subsistent encore chez nous çà et là. Non, la cause est tout simplement que, le nombre des enfans étant, dans la très grande majorité des cas, déterminé par la volonté des parens, ceux-ci ont limité étroitement leur famille.

L’égoïsme, la soif des jouissances, la crainte de l’effort pour élever une famille nombreuse, sont les causes essentielles qui