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compatriotes, offre à leur admiration ces étranges figures féminines qui lui apparaissent autant de types caractéristiques d’un très haut degré de raffinement individuel et social. « Loin du front, roman humoristico-patriotique du temps de guerre, » ce titre de son nouveau livre ne suffirait-il pas à prouver que les libres allures de ses héroïnes ne les empêchent pas du tout d’être, — suivant l’expression de l’une d’elles, — « profondément allemandes de corps et d’âme ? » Tout au plus la tante et la nièce que l’on vient de voir en scène ne sont-elles pas aussi spécialement chargées de remplir, devant nous, des rôles de « patriotes » qu’une troisième figure dominante dont je n’ai dit encore qu’un mot en passant : la jeune et belle Dorette Wetterstein, l’amie la plus intime de Loni et sa seule confidente jusqu’à l’arrivée de Mme von Duffel. Celle-là, nous le devinons, n’a été vraiment imaginée par l’auteur que pour nous montrer ce que devrait être la jeune fille allemande durant le « temps de guerre. » Et voici, très sommairement, sous quel gracieux aspect elle nous est décrite.

Mais, d’abord, la « patriotique » Dorette nous frappe par un trait qui lui est commun avec sa chère Loni. L’une et l’autre de ces jeunes filles ont des « amoureux » qui combattent quelque part, sur le « front » français ou sur le « front » russe. Il est vrai que l’amoureux de Loni, comme on l’a vu, s’est aliéné « par sa faute » la tendresse de la charmante enfant, pour s’être avisé de lui demander, en guise de « souvenir, » l’envoi de quelques « boîtes de poudre insecticide. » L’amoureux de Dorette, lui, ne s’est pas rendu coupable d’une faute analogue, ni n’a rien fait, — que nous sachions, — pour justifier l’oubli de la jeune « patriote : » et cependant, c’est chose certaine que celle-ci, dès le moment où nous commençons à la connaître, se montre plus prête encore que Loni à effacer irrémédiablement, de sa mémoire, l’image du jeune officier qui s’en est allé, six mois auparavant, tout réconforté de son baiser d’adieu. Aussi bien chercherait-on vainement, à travers les 436 pages de ce Loin du Front, un seul cœur féminin qui gardât, si peu que ce fût, la pensée d’un ami parti pour la « tranchée. » Vieilles ou jeunes, les femmes que nous présente le baron von Schlicht n’ont souci que des hommes restés dans la ville, — à l’exception pourtant d’une grosse cuisinière qui, ayant reçu un billet du maréchal von Hindenburg en réponse aux offres de service qu’elle lui avait envoyées, se prend désormais pour lui d’une telle passion qu’elle veut à tout prix faire reproduire sa propre image à côté de celle de son cher maréchal, sur l’écran d’un « cinéma » où elle est abonnée. Et quant à Dorette Wetterstein, en particulier, celle-là se