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est le passé. Oublions le passé ! » Or, M. von den Bussche aurait d’excellentes raisons pour que le passé fût oublié. N’est-ce pas lui qui était ministre à Bucarest quand on enterra, dans le jardin de la Légation, pour les déterrer au besoin, plusieurs centaines de caisses remplies les unes d’explosifs et les autres de microbes, résumé synthétique de la culture allemande ? Oublions le passé! Oublions la Belgique, Louvain, Reims, les assassinats, les incendies, les enrôlemens forcés, les déportations, les attentats au droit des gens, les crimes contre le droit commun! Tournons-nous sans rancune vers l’avenir, en le faisant partir du présent, tel qu’il est dessiné sur notre « carte de guerre. » Quand l’Allemagne aura tout ce qu’elle veut, elle sera généreuse, et pardonnera volontiers à ceux qu’elle aura dépouillés. Sinon (et l’Allemagne impériale montrait l’autre côté de son visage), nous lâcherons sur l’univers un flot d’horreurs. Ainsi concluent, on l’avait deviné, Guillaume II et Charles Ier, qui, pour le jour du règlement de comptes, se ménagent une manière d’alibi, et dont les peuples ont grand besoin d’être à la fois endormis et remontés.

Déjà les souverains et les ministres de l’Entente avaient, par des manifestes et des discours, signifié leur volonté qu’il n’y eût de paix que la paix : une paix réparatrice, rétributrice, exemplaire : la seule paix équitable et durable. Le Tsar, le roi d’Angleterre, le roi de Roumanie, MM. Trépoff et Pokrowsky, M. Lloyd George, M. Briand, M. Sonnino. C’était net et catégorique. C’était identique et unique dans le fond et dans la forme. Par ce qu’ils avaient dit, il était aisé de préjuger de ce qu’ils écriraient. Mais, jusqu’à l’extrême limite, l’Allemagne a affecté de n’y voir qu’une attitude, une « pose, » un «bluff. » Ils ont donc écrit, et ils ont très bien fait d’écrire, car ils ont très bien écrit. Cette réponse de l’Entente à l’Allemagne a été publiée, commentée, discutée par les journaux ; nous n’insisterons pas : nous viendrions trop tard. Nous tenons pourtant à lui rendre notre tribut d’éloges. Il ne lui manque pour être digne des meilleurs modèles, qu’une composition un peu plus serrée. En réalité, elle contient deux notes en une; mais il est bon que la réponse commence et finisse par la Belgique qui est évidemment le point initial et final, le point capital ou central du débat. Il est bon, il est excellent que la réponse soit adressée au nom des Dix Puissances de l’Entente, et qu’elles y soient toutes énumérées, et que l’ordre alphabétique les présente si heureusement, et qu’il n’y ait pour les Dix qu’une seule et même réponse. L’Europe centrale avait pris