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S’empare du clairon, possède le tambour,
Occupe tous les doigts des fifres de Strasbourg…
Et le vent du matin n’était qu’une brûlure !
Et les soldats, surpris de presser leur allure,
Disaient, en retenant leur pas qui bondissait :
« Qu’est-ce que c’est que cet air-là ? Qu’est-ce que c’est
Que cet air-là ? »

Cet air, ô pâle Volontaire,
C’est ton immense soif de délivrer la terre !
C’est l’esprit véhément qui sur toi déferla,
Et qui veut déferler jusqu’à nous ! cet air-là,
C’est ton âme de feu dans un refrain captée,
Et qu’un soir de ce siècle aux siècles a jetée,
Parce qu’il sait qu’un jour nous en aurons besoin !

Mais les soldats riaient, n’y voyant pas si loin,
Et disaient : « C’est un air qui porte la moustache ! »

Et du poète l’œuvre à jamais se détache.
Plus il aura l’oubli, l’injure et la prison.
Plus elle aura l’amour, la gloire et l’horizon !
Elle va ! Ses couplets s’en vont dans la besace
Des colporteurs. Soudain — oh ! que c’est loin, l’Alsace,
Le violon nocturne, et le blanc piano ! —
A Marseille, dans la ruelle Thubaneau
Qui sent le café noir, le goudron et l’orange.
Le chant prend un accent plus rauque et plus étrange.
Argenté par l’étoile, il se cuivre au soleil.
Pour ne pas trop rester à lui-même pareil.
Un chant doit voyager comme font les légendes !
Mais Paris gronde au loin. — « Qu’est-ce que tu demandes ? »
Vient de crier Marseille à la Ville en courroux.
« Six cents hommes sachant mourir ! » dit Barbaroux.