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Et traversant la France entière, six cents hommes
Rapportent à Paris le chant par qui nous sommes,
Et jettent, dans les cœurs que leurs voix font s’ouvrir,
Le désir d’être libre et de savoir mourir !

Le col des jeunes gens échappe aux bras des femmes.
L’âme du violon court dans toutes les âmes.
Qu’est-ce que c’est que cet air-là ? Qu’est-ce que c’est ?…
Il faut qu’on le propage aussitôt qu’on le sait !
Sans cesse, pour chanter cet air-là, sous les arbres.
Des hommes sont grimpés sur les socles des marbres.
Tout frémit. Des couplets s’ajoutent à ce chant.
Car, étant une foule, il grossit en marchant !
Ce chant met un bonnet au bout de chaque lance.
Dès qu’un enfant le chante, un quartier fait silence.
Un chanteur entonnant, un jour, place Maillot,
« Amour sacré de la Patrie, » un long sanglot
L’entoure, et lentement, sur la place qui grouille,
Ne pouvant se lever, le peuple s’agenouille.

Ah ! quand on traite ainsi cet Hymne, étonnons-nous
Qu’il accorde Jemmape à ce peuple à genoux !
Nous aussi, nous aussi, pour que le Souffle passe,
Sachons n’être qu’un peuple à genoux sur la place !

Le chant vole. Il n’a soif que de sang étranger.
Quand il voit le massacre, il fuit vers le danger !
Il part. Il veut planer sur les infanteries !
— En passant, il s’arrête au sac des Tuileries.
La foule allait briser le clavecin d’or brun
Où la Reine jouait Plaisir d’ Amour : quelqu’un.
Soulevant tout d’un coup le beau couvercle, essaye
De jouer l’air qui vient d’arriver de Marseille ;